Voilà, GHOST a plus de dix ans et le petit phénomène qui attirait la curiosité avec son show costumé est devenu un groupe majeur de la scène metal... Peut-être d'ailleurs sa plus grosse sensation (comprenez par là "nouvelle tête d'affiche en gros festival") des dix dernières années. Le concept a beau diviser, il est finalement redoutable : recycler des formules du hard et du heavy des années 70/80 avec une bonne couche de formule pop facile d'accès par dessus, le tout soutenu par force costumes et maquillages. GHOST joue donc sur la nostalgie, valeur sûre, mais aussi le spectale pour attirer l’œil, et l'efficacité immédiate de rengaines prévisibles ayant fait leurs preuves. Avec Impera, la recette easy-listening de Tobias Forge fonctionne-t-elle aussi bien ?
Saluons d'abord le sens du marketing et le flair du Suédois. La pochette est à nouveau soignée, garantissant son lot de nouvelles ventes de tee-shirts. Mieux : après un album dédié à la peste sorti un an et demi avant la pandémie qui a paralysé le monde, le voilà qui nous plonge en pleine ère victorienne pour nous parler de retour à des valeurs rétrogrades et d'industrialisation du monde au détriment de l'humain. GHOST nous plonge dans le passé mais la métaphore n'a évidemment pas besoin d'être expliquée. Impera, c'est donc les douceurs hard-pop-rock à la sauce steampunk, et il faut bien admettre qu'à défaut d'être absolument conquis, on est surpris d'entrée par Kaisarion et sa rythmique rapide aux airs gentiment punk, ça change, un peu.
GHOST met de nouveau les guitares à l'honneur après les avoir un peu oubliées sur Prequelle, elles gémissent tout du long d'Impera distillant riffs et soli sans esbroufe ni génie mais avec savoir-faire et sens de la formule. Pour le reste, c'est malheureusement assez plat : les mentions constantes au diable ne suffisent pas à faire naître un sentiment de menace comme la lourdeur de Meliora y parvenait parfois encore. On peut néanmoins se rabattre sur des refrains toujours imparables (c'est là, avec des titres comme Call Me Little Sunshine ou Hunter's Moon, que l'on sent comme la bête est pensée pour le show live), et c'est peut-être quand GHOST verse dans le kitch le plus total, dans la mièvrerie de mauvais goût la plus infecte, qu'il est le plus réjouissant (Spillways et ses airs de générique de série télé ringarde ou la balade Darkness at the Heart of My Love et son clavier qui évoque immédiatement des tonnes de fondus enchaînés). Et puis il y a la petite bulle d'air apportée par Twenties, dont les cuivres fous, la théâtralité et l'air enjoué contrastant avec des riffs plus menaçants donnent vie à ce qui reste, finalement, la seule idée un peu intéressante au sein d'un album qui ne fait principalement que répéter des choses déjà faites avant soit par Forge, soit par ses icônes.
Etait-ce une bonne idée de se risquer à ressusciter le hard FM ? Passons sur la question (certes taquine, mais pourtant légitime !), et venons-en aux faits : Impera n'a pas grand intérêt. Insipide et réchauffée, la popote plaira aux fans de GHOST en manque de nouveaux hymnes. S'il est une chose qu'on ne peut lui retirer, c'est cette capacité à faire jaillir des refrains qui sauront fédérer les foules, la voix tout en douceur de Tobias Forge faisant aussi toujours son effet. Pour le reste, on est entre la répétition fade, les tentatives molles (ni convaincantes ni convaincues) de s'éloigner une fois ou deux du modèle, et la régurgitation de gimmicks et de stéréotypes qui tournent à l'auto-parodie. Néanmoins, tout cela n'empêche pas un certain plaisir régressif, peut-être.