C'est la crise, rien ne va plus : notre rédaction est en ébullition. GosT fait partie de ces projets qui divisent notre équipe et dont chaque sortie relance un éternel débat : d'un côté il y a les "c'est nul !" et de l'autre il y a les "mais non, c'est pas nul". Vous en livrer une chronique est donc un exercice d'équilibriste périlleux entre la quête des points intéressants de ce Prophecy, une certaine distance, mais aussi un acte diplomatique pour ne pas provoquer l'implosion du site que vous lisez actuellement !
Le Texan James Lollar avait cassé sa routine avec Valediction (2019) en s'éloignant de son mélange entre darksynth et black metal pour, à l'image de l'évolution de Perturbator, inviter des influences cold nostalgiques et gothiques qui s'étendaient encore sur Rites of Love and Reverence. Comme l'artwork de Prophecy pouvait le spoiler, cette fois-ci, il revient en terrain familier : violence, incantations démoniaques, assauts bruitistes... GosT est plus proche de Possessor que de ses derniers albums. Du chaos, une saturation excessive et quelques cloches pour le climat biblique et funéraire : le morceau-titre pose le décor avec, toujours, ces changements de rythme surprenants et / ou bordéliques et ce malin plaisir que prend l'artiste à s'emparer des codes de la darksynth pour les dégueulasser avec turbulence et une agressivité exagérée.
Pour nous, Prophecy n'est jamais aussi intéressant que quand il va au bout de sa démarche, dans les moments où la violence cradingue du black metal se mélange à des références plus old-school, entre new wave et industriel à l'ancienne. "C'est brouillon, inaudible et paresseux", entend-on ronchonner chez nous. Peut-être. Mais dans ses meilleurs moments (Death in Bloom, psychédélique et frénétique, Decadent Decay, Widow Song, Through the Water), GosT réussit ce grand écart étrange entre cold wave, Mayhem et Skinny Puppy (la rencontre des deux ayant symboliquement eu lieu récemment via une reprise d'Assimilate par Alien Vampires sur laquelle chantait Attila Csihar...). Une touche de spleen gothique, des malédictions infernales braillées d'une voix nasillarde, un goût pour le collage terrifiant dans ses imprévisibilités, un brouillard de guitares poisseuses, quelques riffs mordants et, surtout, une tendance à assumer jusqu'au bout en mélangeant violence, sauvagerie impie mais aussi envie de se dandiner.
Entre-temps, GosT piétine des plate-bandes familières en proposant ce que l'on attend d'un cousin mal élevé de Perturbator et Carpenter Brut : plusieurs titres, malgré leur goût pour l'obscurité, rassureront les amateurs de darksynth venus chercher de quoi danser. Cela n'empêche pas d'apprécier le parfum menaçant de Deceiver avec ses grosses nappes bien opressantes et son chant lointain qui hante ses recoins les plus sombres, l'énergie possédée de Golgotha, l'approche plus rythmique / EBSM de Shelter ou la théâtralité grandiloquente de Leviathan. Cependant, il est vrai que GosT a toujours cette tendance à se reposer sur des gimmicks bien connus et familiers. Est-ce par facilité afin de combler les vides et gagner du temps, ou est-ce pour mieux les pervertir par la suite ? Choisissez votre camp.
Prophecy est présenté comme un "retour aux sources" pour GosT. Si ce genre de mouvement soulève toujours son lot d'interrogations quant à ce qui motive pareille démarche, le résultat, lui, répond aux attentes. GosT sonne exactement comme ce qu'on attendait de GosT : de l'horreur satanique, du bruit et de la fureur. Si l'on peut être agacé par la confusion qui se dégage de l'empilement de couches ou la tendance du musicien à se planquer dans les codes essorés du genre, on peut aussi saluer tous les moments où GosT embrasse pleinement ses tendances rituelles les plus dévergondées pour proposer un son qui fait mal et ne fait qu'un avec sa démence. GosT n'a pas fini de diviser mais impose un style outrancier qui lui permet de se démarquer et d'attirer l'attention : à vous de décider si Prophecy vous intrigue ou subira votre courroux.