Au cours de ses déjà quatorze ans d'existence, Grausame Töchter a prouvé sa capacité à construire des univers musicaux riches et entraînants, forts de ses rythmes EBM, d'une diversité sonore qui va des guitares saturées aux instruments d'orchestre en passant par tout ce que peut compter l'électronique ainsi que du chant avide de sa meneuse Aranea Peel. Le groupe n'a de plus jamais manqué de se renouveler. On est donc impatients de voir ce que la formation allemande nous propose dans BDSM For Satisfaction, son septième album sorti en cette fin d'année. On espère tout de même que le contenu nous surprendra plus que le titre et la couverture, car on peut difficilement faire plus prévisible pour Grausame Töchter...
Heureusement, on est vite rassuré de ce côté-là : BDSM For Satisfaction a sa personnalité. Cet album est plus sobre, plus grave, plus dur ; là où le précédent opus, l'excellent Zyklus (chronique), était nourri de violon, de violoncelle et de piano qui venaient colorer des morceaux déjà particulièrement tendus, BDSM For Satisfaction repose presque entièrement sur ses boucles électroniques rugueuses et martelées. Pour autant, les tempos sont aussi moins rapides et le chant n'a plus cet aspect martial qu'il pouvait avoir aux débuts du groupe, qui étaient beaucoup plus purement EBM. Nous voilà enfermés, soumis aux rythmes mécaniques cependant qu'Aranea chante avec une sensualité cruelle, occasionnellement accompagnée de chœurs. Cette ambiance tendue prend particulièrement bien sur Schnabel zu et Schmerz, qui fonctionnent tous deux sur le principe de nous matraquer avant que le chant clair et la guitare ne volent brusquement à notre secours, ou sur Meine Droge heißt Sex avec son rythme lascif et déjanté.
Force est d'admettre pourtant que la formule ne fonctionne pas si bien sur plusieurs autres morceaux. Sur un Arroganz muss man sich leisten können ou un Ich hau drauf, par exemple, on trouve qu'il manque une accélération pour vraiment nous entraîner -ou, au contraire, qu'il y manque les éléments inquiétants qui faisaient l'ambiance glauque de l'album Glaube Liebe Hoffnung, qui reste l'un des meilleurs de Grausame Töchter. Ici, on a en revanche l'impression de rester entre deux eaux.
Et puis, parfois, BDSM For Satisfaction nous entraîne dans d'étonnantes envolées qui contrastent avec le reste de l'album, nous donnant l'impression d'échapper brusquement à nos liens. C'est bien sûr le cas de Duelo en México, où une trompette joue le premier rôle tandis qu'Aranea se fait enjouée ; pour jouissif qu'il soit, le morceau manque tout de même d'un véritable crescendo. On y préfère le rapide et délirant Folterkeller, qui nous donne enfin le coup de fouet que l'on désirait depuis le début, et surtout Ich will dich leiden sehen, qui commence en toute innocence pour finir par nous déboîter à coups de guitare saturée !
Le constat est donc un peu mitigé pour cette fois : ce n'est pas sur ce registre qu'on aime le plus Grausame Töchter, toutefois l'album a son originalité et sa diversité, il nous réserve une belle variété de morceaux addictifs.