Deux histoires accompagnent HANGMAN'S CHAIR : celle qu'ils nous racontent, chronique banlieusarde frappée par la grisaille et la dépression, et celle que le groupe vit à côté avec une popularité grandissante ces dernières années, se traduisant par une exposition toujours plus large, des concerts plus grands et leur signature sur le label Nuclear Blast. Les deux ne sont pas incompatibles et A Loner, sixième album déjà, ne s'annonce pas plus rieur qu'auparavant.
Le son de HANGMAN'S CHAIR propose une rencontre unique entre la lourdeur d'influences doom / sludge, un grunge poisseux à la ALICE IN CHAINS et des nappes cold qui, tel un brouillard épais, froid et collant, lient l'ensemble pour créer un paysage étouffant suintant de désespoir. On est surpris par les influences presque post-punk qui se devine dans Ode to Breakdown, derrière les lourdes guitares qui finissent par nous prendre à la gorge, derrière le chant clair, et deviennent même criantes dans l'intro de Who Wants to Die Old. La signature sur un gros label metal ne semble avoir en rien entaché le style de HANGMAN'S CHAIR, bien au contraire : l'humeur n'est pas aux riffs percutants mais bel et bien au spleen, aux horizons bouchés et, alors que l'atmosphère ne s'allège en rien, un son finalement moins lourd.
Plus que jamais les influences cold wave sont présentes, que ce soit dans l'humeur maussade, le chant affligé, le synthé froid et atmosphérique (Pariah and the Plague) et une approche plus aérienne (Supreme). Ce qui rend HANGMAN'S CHAIR si poignant, c'est la sincérité, l'authenticité. Le groupe ne parle pas de dragons, de démons métaphoriques ou d'univers fantastiques mais d'un quotidien fait de dépression et de deuil dans une approche contemporaine réaliste et frontale (le clip / documentaire de Loner est l'aboutissement de cette démarche), c'est de la musique de rue comme peuvent l'être par exemple le punk et le rap, aux caniveaux éclairés par la lumière glauque de lampadaires en fin de vie.
Les refrains nous hantent, HANGMAN'S CHAIR a le sens de la rengaine et de la ligne mélodique qui nous suit comme un nuage lourd, orageux (Cold & Distant). Les riffs pachydermiques ont une texture presque cotonneuse, éthérée. La batterie aussi, sa frappe nous parvenant après une bonne dose de réverbérations : A Loner est un album dont la musique, déjà, nous semble distante. Non qu'elle ne nous touche pas, bien au contraire, mais les morceaux réussissent à nous communiquer une forme de détachement vis-à-vis du monde, les sens sont émoussés, engourdis par l'atmosphère sinistre. HANGMAN'S CHAIR ne se laisse pas aller à l'accablement et reste debout comme un boxeur sonné qui vient de prendre une raclée mais qui avance, groggy, coute que coute. Il y a une forme d'élégance et de noblesse dans cette dépression là.
Pas d’esbroufe, pas de technicité démonstrative, pas de triche ici, mais des émotions pures retranscrites avec talent au détour de riffs simples mais qui font mouche ou d'une ligne de chant clair communicative. A Loner est un prolongement et un aboutissement de ce que This is not Supposed to be Positive et Banlieue Triste laissaient entrevoir. HANGMAN'S CHAIR nous écrase et nous asphyxie avec les émotions plus qu'avec les riffs, osant une approche toujours plus brumeuse de sa musique, mais toujours aussi authentique et unique. La grande classe.