"Hey, les copains, j'ai envie de parler d'un truc super, ça s'appelle HARDCORE ANAL HYDROGEN, c'est un peu du metal, un peu du jazz, un peu de l'electro et y'a un canard qui chante, oui oui" - "Il serait temps que tu retrouves du boulot, toi. Mais vas-y, "hardcore anal" ça fera du bien à notre recensement sur google". Voilà, en gros, à quoi peuvent ressembler nos réunions secrètes de rédaction. HARDCORE ANAL HYDROGEN... Vu le nom, ça sent encore le groupe de grindcore à la con. Sauf que pas vraiment, en fait. Ou alors un groupe de grindcore fondé par des chipmunks qui se sont pris 220 volts dans leur petit derrière avant et se la jouent savant fou. Ce projet totalement barge prend toutes les étiquettes et se les colle sur les yeux pour ne surtout pas voir où on va et c'est bien pour ça que l'album Hypercut a attiré notre attention.
Dès le premier contact, l'album sent bon le bordel absurde. Un coup d'oeil distrait à la tracklist nous promet plein de choses rigolotes : des prénoms, des mots auxquels on comprend rien mais qui sont dans le dictionnaire (Entropie Maximum), des mots pas dans le dictionnaire mais qu'on comprend (Sproutch), des cris d'animaux... Pas de doutes, HARDCORE ANAL HYDROGEN mérite bien sa place sur l'excellent label Apathia Records aux côtés de PRYAPISME. Pourtant, rien ne peut préparer au choc qu'est Jean-Pierre, single phare qui a eu droit à un clip réalisé par une intelligence artificielle : riffs sauvages, chant hystérique sous hélium, le tout à la sauce hardtek. Si vous avez connu MOSHPIT, ça y ressemble : ça envoie à mort, c'est totalement dingue... et d'un coup ça part en mélange dubstep / metal puis en délire contemplatif mystico-spatial à base de nappes de synthé retro. On se croirait dans un film de SF perché des seventies. Le tout en environ cinq minutes. Arrivé à ce stade, on se dit que ce n'est pas pour rien si les gars de HAH ont choisi ce titre comme single, qu'ils ont surement tout mis dedans et qu'après on va se faire chier... Sauf que, comme le spoilait le titre de Coin Coin, un canard vient directement nous faire mentir. Au milieu de riffs toujours aussi survoltés, il y a un canard. Un canard qui coin-cointe. Et puis après il y a du saxo qui part en vrille, et, dans les quarante dernières secondes, le canard revient et chante. Oui, ils font chanter un putain de canard, véridique, et il faut l'entendre. En fait, on est chez David Lynch.
Peu à peu, on réalise que Hypercut n'est pas juste un truc de turbo-bourrins de l'espace totalement déments mais surtout une oeuvre d'une créativité folle, sans aucune frontière, où le sens du rythme, voire de la mélodie, n'est jamais annihilé par la sauvagerie du son. Un peu à l'image de IGORRR, le boucher maniaque de la scène breakcore à qui l'on pense d'ailleurs furieusement à plusieurs reprises, notamment pendant Paul ou Alain, l'Homme Télévitré, HARCORE ANAL HYDROGEN attire l'oeil avec un univers absurde, à la limite du grotesque, pour proposer une musique échappant à toute définition, exigeante, incroyablement riche et qui réussit à nous toucher au-delà de la farce. Aucun choix, aussi étrange qu'il puisse paraître n'est gratuit. Il y des influences metal, parfois extrême, mais aussi du jazz. Et des bandes-son de film. Et de l'electro. Et d'autres trucs venus d'un peu partout (même s'il sonne moins "ethnique" que The Talas of Satan). Hypercut est un album accrocheur, qui groove grave (prenez par exemple la très rock'n'roll -et du coup bien nommée- La Pierre et le Rouleau), où l'on va de surprises en surprises. Ainsi, on peut passer du chaos le plus total à des passages atmosphériques bien plus calmes (souvent au cours du même morceau, par exemple Philipp et ses presque dix minutes : c'est de la folie et le résultat lorgne du côté du progressif). On peut craindre la lourdeur d'un ensemble trop plein de bruits, de folie et d'idées et pourtant, il y a toujours quelque chose à découvrir et à apprécier dans Hypercut. On ne peut pas vous en dresser la liste, déjà pour ne pas vous gâcher la surprise, car oui, un disque comme ça, ça se spoil, mais aussi parce que cette liste serait trop longue.
Après une dizaine d'années de carrière, HARDCORE ANAL HYDROGEN semble atteindre avec son quatrième album l'apogée de son style généreux, inventif et unique. Hypercut est une oeuvre hors-normes, hors-définition, un exutoire à la fois fun et exigeant techniquement, où l’expérimentation et l'efficacité vont de paire. Et avec un canard qui chante. Quel coup de maître !