L'ascension de HEALTH fut à la fois soudaine et tardive. Le trio californien à l'atypique mélange d'indus, de noise et d'électro au chant mélancolique et introspectif tout en douceur a mis une quinzaine d'années à apparaître sur les radars de tout le monde. Il aura fallu DISCO4, une collection de collaborations avec des artistes variés pour enfin attirer l'attention du grand nombre et retrouver HEALTH programmé plus souvent (en première partie de PERTURBATOR et au Hellfest chez nous, par exemple). DISCO4 :: PART II, comme son nom l'indique, est la suite de cette expérience.
Il y a un piège dans lequel il est facile de tomber quand on réunit comme ça une telle brochette d'artistes venus d'univers si variés : l'album peut facilement perdre sa cohérence et donner l'impression d'être au mieux une compilation, au pire un étalage de carnet d'adresse un brin prétentieux dans lequel l'identité du groupe d'origine se diluerait au détriment de ses guests. Le risque est d'autant plus présent que HEALTH fait partie de ces groupes qui aiment bousculer les conventions et les frontières entre genres : avoir POPPY, Randy Blythe de LAMB OF GOD (dont il faut admettre que malheureusement, la voix tombe ici un peu comme un cheveu sur la soupe et l'alchimie ne prend pas forcément) ou HO99O9 sur un même album illustre assez bien ces nombreux grands écarts.
Il n'en est rien : même si HEALTH insiste sur le terme "collaborations" plutôt qu'invités, pour bien dire que les morceaux ont été composés ensemble, leur touche reste bien présente tout du long, apportant à chaque titre ce côté atmosphérique, introspectif, poétique et éthéré qui fait leur touche. Ces nappes contemplatives arrivent tel un baume unissant les morceaux, et fait que l'on passe de la cauchemardesque AD 1000 avec THE BODY, son chant black metal et ses envolées post-rock au rap de HO99O9 et BACKXWASH sur Gnostic Flesh / Mortal Hell et la surprenante élégance qu'ils y gagnent sans que cela ne perde l'auditeur. DISCO4 :: PART II est plein de morceaux mémorables, parfois pop sombre (la romantique et spectrale Dead Flowers avec POPPY, Still Breathing avec EKKSTACY), parfois plongeant franchement vers un metal industriel lourd et méchant (les riffs de Murder Death Kill) en passant par le cyberpunk (Identity avec MAENAD VEYL ou la relecture d'Excess de PERTURBATOR). Dans ce bel ensemble, on peut néanmoins regretter l'absence du morceau récemment réalisé avec Chino Moreno (DEFTONES) et Tyler Bates pour l'éditeur DC Comics... Et il y a, bien sûr, cette collaboration avec NINE INCH NAILS qui a certainement ouvert quelques portes à HEALTH (le Hellfest, déjà) . Enthousiasmante sur le papier, elle souffle le chaud et le froid : si le début du morceau installe une belle tension industrielle et contenue, les deux parties semblent un peu trop confortablement camper sur leurs acquis sur un refrain trop prévisible.
Mais ne soyons pas trop chagrin. HEALTH a réuni un sacré casting que l'on devine motivé par l'ambition artistique plus que l'argument marketing et qui est révélateur de cette volonté de faire exploser les notions de genre, une volonté partagée d'ailleurs par plusieurs de leurs invités. Les Californiens réunissent ici un vaste panel de musiciens aux identités variées mais pouvant tous se perdre harmonieusement dans ce brouillard électronique. DISCO4 :: PART II est à la fois un bon moyen de découvrir certains artistes dans un contexte différent mais aussi une collection cohérente, élégante et finalement passionnante de morceaux tous hantés par l'âme de HEALTH, omniprésente et identifiable. C'est aussi, comme son prédécesseur DISCO4 une très bonne porte d'entrée dans cet univers atypique.