Hide&Seek est un groupe qui s'est longtemps éclipsé. Créé en 1993 par le couple trinational du Franco-Suisse Pierre-Yves Lebeau et de son épouse néerlandaise Liesbeth Houdjik, le groupe a sorti plusieurs albums entre 2000 et 2011, remarqués pour leur musique douce et mélancolique s'inspirant à la fois de la coldwave et de la pop néerlandaise, animée par le chant éthéré du duo. Tout cela rattachait Hide&Seek à la scène heavenly voices/ethereal wave, qui nous manque un peu aujourd'hui. C'est donc avec une agréable surprise que l'on a vu revenir le duo l'année dernière pour un cinquième album : A Spring Idyl, paru hors-saison fin décembre 2023.
On est d'autant plus intrigué en voyant que le titre A Spring Idyl est adapté du poème du même nom d'Elizabeth Magie : cette autrice américaine née en 1866 est surtout connue de nos jours pour avoir été l'inventrice du jeu de société The Landlord's Game, ancêtre du Monopoly qu'elle destinait à dénoncer les monopoles dans la propriété terrienne -et après tout, Pierre-Yves Lebeau s'y connaît en jeux de société !
Hide&Seek s'est toujours singularisé par sa musique à la fois sombre et légère, ses mélodies simples, presque enfantines, et la fragilité du chant des deux époux, qui semble perpétuellement en équilibre au bord d'une faille ; si la musique est délicate, la tristesse et l'anxiété ne sont jamais loin, soulignant d'autant mieux la beauté et l'espoir. On aime le duo pour cela, pour sa capacité à nous entraîner dans les airs en quelques touches subtilement amenées, rafraîchissante dans une scène heavenly voices souvent grave et parfois trop insistante. C'est quelque chose que l'on retrouve avec plaisir sur A Spring Idyl : à nouveau, Hide&Seek nous emmène doucement dans ses mélodies aériennes et son chant chargé d'émotion, avec un jeu sur les demi-tons qui rappelle Collection d'Arnell-Andréa. Ce nouvel album se distingue cependant du précédent Clouds Are Beautiful par l'usage de davantage d'électronique, c'est généralement elle qui domine les mélodies ; Hide&Seek ne perd pas pour autant la touche acoustique qui l'a toujours caractérisé, et l'on trouvera même sur l'album des interventions de flûte traversière jouée par François Porte, des cymbales (Olivier Vitry) et du violon (Luc Lebeau), outre l'habituelle guitare de Pierre-Yves Lebeau.
Ce nouvel habillage est une réussite. Les nappes synthétiques froides et les quelques boucles lancinante apportent une mélancolie tout à la fois douce et poignante, sur laquelle se répondent ou s'unissent les voix de Pierre-Yves Lebeau et Liesbeth Houdjik ; on vibre avec eux. On est particulièrement attirés par l'inquiétude lancinante de Missing Boy, fort de rythmes et de sonorités presque industrielles, le chant sémillant de Liesbeth sur la très pop Sindi Sney So, la contemplation du morceau-titre A Spring Idyl ou de Un siècle de lumière, mais à vrai dire, presque tous les morceaux ont leur touche qui nous les fait aimer à leur façon particulière -le seul qui ne nous convainque pas vraiment est l'impérieux Believe in Me, dont les sonorités semblent un peu trop routinières, mais il s'agit du plus court morceau de l'album, presque une transition. A Spring Idyl est un album plein de charmes, comme on aimerait en entendre plus souvent.