Depuis Signos de Aberracion en 2002, on s'était habitué au nouveau son d'HOCICO, plus édulcoré et d'abord pensé pour les clubs. Wrack And Ruin avait creusé la même veine deux ans plus tard, arrondissant encore plus les angles. De là, le groupe aurait pu prendre un virage franchement darkwave, voire futurepop. Mais Memorias Atrás, tout en gardant les ingrédients des deux précédents albums (on pourrait y voir une sorte de trilogie) persiste à injecter dans le mix quelques gouttes de tabasco.
Premier constat : la production est luxueuse. Que de chemin parcouru depuis les premières démos ! Ici tout n'est que reverbs de cathédrale et sound design professionnel (écouter Stop my Madness au casque pour s'en convaincre). Les synthés sonnent amples, spatialisés, sur des beats clairs et punchy. Tout est ultra-compressé comme le veut l'époque (loudness war oblige....), et presque trop propre par endroits. Sur ce plan, l'équilibre parfait allait être trouvé au fil des albums suivants.
Bien entendu, les titres sont pleins de ces presets de synthés "eurotrance" qui ont totalement envahi le paysage au tournant du millénaire. Même s'il peut être parfois douteux, un tel mélange de genres n'est pas forcément contre-nature. Après tout, la trance descend de l'EBM et les deux courants partagent la même passion pour les arpégiateurs, les lignes claires et les beats métronomiques…
Autre constat : exit l'espagnol. Malgré le titre de l'album, la langue anglaise a pris le pas partout. Les raisons en sont surement commerciales, mais un tel choix apparait dommage, tant les racines mexicaines du groupe contribuent à son aura si particulière.
En ouverture, Fatal Desire établit un lien direct avec l'album précédent : même dynamique, même type de mélodie dépouillée que sur Born to be Hated ou Tales from the Third World. Malgré son caractère catchy, l'entrée en matière fait donc craindre un album photocopie. Heureusement Memorias Atrás trouve vite sa tonalité propre.
The Shape of Things to Come, beau titre épique et midtempo, nous avertit des cataclysmes à venir en conséquence de nos erreurs collectives (au hasard, le dérèglement climatique). "We try to change it but it's too late", chante Erk, toujours aussi optimiste en ce qui concerne le genre humain. About a Dead crache son athéisme offensif ("God is dead, God is a waste in your brain") sous la forme d'un gros tube ultra-efficace, mais plein de tristesse sous-jacente. Pas snob, on bouge aussi de bon cœur sur Fed Up, Spirals of Time et Blindfold : trois petites bombes douces-amères, simples mais pas simplistes, qui rempliront le dancefloor à coup sûr.
Le bad ass Doomed to Perish a lui un petit parfum old school, avec sa basse EBM lourde et menaçante. Mais rayon son de club, c'est Taste the Waste qui l'emporte, s'imposant même comme l'un des meilleurs titres des Mexicanos. Emmené par un swing implacable, le morceau déploie sur son refrain aérien des nappes en clair-obscur assez somptueuses. Quand un puissant arpège de synthé vient sublimer l'ensemble, tout vrai fan d'HOCICO est bon pour son petit moment "chair de poule".
Signalons aussi, pour le meilleur : Drowning, sorte de ballade électronique endeuillée, et Escapando de los Recuerdos, une outro poignante et débordante de nostalgie à vous tirer la larme.
Bref, du HOCICO "grand public" mais en bonne forme, emmené par les arrangements irrésistibles de Racso Agroyam. Les couplets débouchent sans accrocs sur des refrains toujours aussi addictifs, qui parlent autant à l'âme de l'auditeur qu'à ses jambes. On tient là un opus idéal pour enflammer les soirées de corbeaux, ou "égayer" les trajets nocturnes écouteurs dans les oreilles / autoradio à fond.
A noter deux très bons morceaux sur le deuxième CD de l'édition limitée : The Day The World Stopped, dont le chorus prend aux tripes par un puissant mélange d'euphorie et de tristesse (cocktail paradoxal bien connu du public goth); et le malsain Poisoned and Silenced sous haute influence psytrance.
L'avis de Pierre
HOCICO n'avait plus proposé de nouvel album depuis 4 ans, nous laissant avec un Wrack And Ruin à l'accueil mitigé. En effet, la formation culte dark electro méxicaine aurait tendance à s'essouffler, à se répéter, et finalement à tomber dans les travers caractéristiques des autres leaders du genre (SUICIDE COMMANDO, :WUMPSCUT:, etc...).
Avec Memorias Atras, le duo prétend tirer un trait sur le passé, prendre un nouveau départ. On retrouve cependant ce qui a fait le succès du duo : le chant hargneux de Erk, accompagné de mélodies horrifiques et de beats assassins. Mais HOCICO s'oriente également vers un résultat plus mélodique, comme sur Taste The Waste ou l'excellente instrumentale et mélancolique Metamorphous, preuveque les mexicains peuvent s'en sortir aussi très bien avec les passages plus ambiants. L'enchainement de titres très orientés dancefloor (About A Dead par exemple, le premier single) lui donne néanmoins un coté indigeste.
Cette succession peut lasser, la recette reste connue, et Memorias Atras n'est pas non plus une révolution. Mais le retour du duo avec un album qui propose une certaine richesse sonore et mélodique, tout en conservant les ingrédients de sa réussite, est un événement méritant l'intérêt qu'il suscite.