Chronique | Hocico - Signos de aberración

Sterben 6 février 2002

Au tournant du millénaire, un son plus dansant, sorte de crossover entre EBM et hardtrance, a assis sa domination sur le petit monde des clubs indus-goths. Cette tendance "eurotrash" a bien entendu agacé nombre de old timers de la scène élevés à des choses un brin plus sophistiquées.

Signos de Aberracion est l'album charnière qui a vu HOCICO contribuer à la démocratisation du genre (tout comme leur pair SUICIDE COMMANDO avec des résultats plus inégaux). En dehors des interludes toujours très "musique de film", l'écriture des titres apparait donc épurée, les boites à rythmes cessent d'émuler le jeu d'un vrai batteur au profit de beats dance 4/4 aussi simples qu'efficaces.

Bien sûr, les efforts antérieurs du duo regorgeaient déjà de titres dansants. Mais jamais de manière aussi grand public que sur Instincts of Perversion ou Forgotten Tears, certainement l'hymne le plus célèbre du groupe à ce jour. Sur ces deux morceaux, seuls les beats appuyés et les vocaux agressifs d'Erk empêchent la musique d'être rangée dans le bac synthpop. 

On peut y voir une régression, voire une compromission commerciale, mais le talent du groupe fonctionne encore à plein, même sur le terrain du hit calculé. D'ailleurs certains titres "clubs" d'HOCICO -et pas seulement sur cet album- renvoient de manière amusante à quelques tubes du début des années 90 mixant proto-trance, EBM et culture latino-américaine. Les lecteurs assez vieux pour avoir dansé sur Ultimo Imperio d'ATAHUALPA verront de quoi je parle... 

Mais trêve de digression, Signos de Aberracion a beau marquer un petit changement de cap, il porte bien la marque de fabrique du groupe. D'abord les synthés sont toujours très plaisants : nappes crépusculaires, FX étranges, leads tranchants sur tapis de basses musclées... Tout le bestiaire des sonorités hi-tech aztèques du duo est à nouveau convoqué sur des compos pleines d'accroches.

La structure des morceaux aussi reste impeccable de maîtrise. Couplets et refrains s'enchaînent fluidement en ménageant leur lot de suspens, d'accalmies et de glorieuses montées en puissance. On retrouve toute la palette d'émotions qui font l'univers d'HOCICO : colère, mélancolie, mysticisme, sentiment antireligieux, euphorie/amertume, espoir/désespoir, répulsion/compassion... Avec toujours cette délicieuse petite touche evil qui distingue le groupe à l'araignée de la concurrence pataude. 

Les meilleurs moments de l'album : la messe noire d'ouverture Pandemonium; la grâce hypnotique d'Untold Blasphemies; la machine à pogo Bloodshed (HOCICO a toujours eu une part d'ADN hardcore punk); ou l'innocence poignante (mais bafouée et pleine de rancœur) de Wounds, à la fois déclaration d'amour au Mexique, et de guerre à sa classe dirigeante corrompue. 

Voilà donc un disque de transition entre le HOCICO infernal et morbide des débuts, et sa mouture plus accessible qui a permis au duo d'élargir sa fanbase. L'auditeur capable d'apprécier les deux périodes trouvera largement son bonheur au fil des 11 titres.