Annoncée comme un retour à des climats plus agressifs, cette nouvelle livraison des deux cénobites mexicains a globalement tenu ses promesses. Désormais installé pour moitié en Allemagne, loin du chaudron haute pression de Mexico, le binôme semble pourtant pris d'un regain de hargne. Alors que les deux derniers albums contemplaient le déclin avec résignation, celui-ci semble plus empreint de colère, voire d'une forme d'énergie nihiliste. Pas pour rien que l'album s'appelle Tiempos de Furia.
Pourtant tout n'est pas bon : When Words Fail Hate Speaks pâtit d'un chorus pompier, le genre synthé en "supersaw" typique des commandos aggrotech teutons les plus lourdingues. Twist the Thorn et Tiempos de Furia donnent dangereusement raison à ceux qui accusent le projet de verser dans l'auto-parodie (impression d'un Racso en pilote automatique, assemblant sans grande passion les ingrédients du floorfiller de base). On sent même des influences gabber/hardstyle sur le discutable Flesh to Lacerate. Mais le reste contient assez de fulgurances pour valider ce sixième long format comme une réussite.
Hey It's Me, profond et inquiétant comme une forêt nocturne, évoque les pires cauchemars d'Elm Street via sa mélodie horrifique qui ne sort plus du crâne. Bite Me !, plus encore, est le vrai tube à danser de l'album, la bande-son parfaite d'une rave imaginaire peuplée de vampires et autres goules. Le refrain est diaboliquement facétieux (et même teinté de musique traditionnelle mexicaine), et les arrangements irrésistibles. Même le single Dog Eat Dog, très quelconque dans l'absolu, retrouve un petit charme lorsque on l'écoute dans le déroulé de l'album.
Lost Fate et Kiss of the Apocalypse marquent l'accalmie de mi-parcours. Le premier est une lente marche funèbre industrielle, le second un des meilleurs instrumentaux du groupe. Majestueux et tout en demi-teintes, ce superbe intermède évoque d'abord le score mythique de Blade Runner, avant de décoller brièvement sur une rythmique de machine cassée façon IDM. Entre les deux : du pur HOCICO, épique et évocateur en diable.
Not Human est peut-être le meilleur titre de cette fournée. Aussi simple que beau, le morceau traine son vague à l'âme de dimanche pluvieux sur une basse puissante, et de fragiles notes de synthé imitant un piano.
Altered States, désorientant, bizarrement hypnotique (le morceau traite des drogues de synthèse), délaisse les mélodies chagrines au profit d'un riff menaçant estampillé DARK en lettres capitales.
L'album se referme sur une ultime friandise : Los Espejos Rotos, glorieuse outro qui aveugle au bout de toutes ces ténèbres, façon lever de soleil sur une vallée inca (flûte de pan inclue !).
Voici donc un solide opus de plus à l'actif d'Erk et Racso, la poignée de titres décevants étant compensée par une férocité générale qu'on pensait avoir déserté leurs machines. Dommage qu'Escape the Spell, excellente face B du single, n'ait pas remplacé le balourd When Words Fail... Idem pour Embraced by the Light, génial interlude passé un peu inaperçu qui aurait eu sa place ici. On aurait alors presque pu parler d'un "Sangre Hirviente 2", tant le molosse mexicain montre ici les crocs après trois albums un peu plus policés.
Last but not least, les morceaux supplémentaires de l'édition limitée n'ont pas été relégués là par manque d'envergure. A vrai dire, les deux inédits s'avèrent supérieurs à certaines banalités ayant eu les honneurs de l'album. Toujours élégant de la part des cousins de ne pas refourguer des fonds de tiroir en guise de bonus...
Ainsi, A Call for Destruction est une tornade darkfloor des plus réussies. Mais on bloque surtout sur l'étonnant The Disguise, qui voit HOCICO rendre hommage aux grands anciens de l'electro-indus. Ce morceau mature et sans compromis, atypique dans la discographie du groupe, n'est pas sans rappeler la froideur cybernétique du FRONT LINE ASSEMBLY d'antan.
L'avis de Pierre
Dans un genre étouffé par une cohorte de projets cherchant vainement à cloner leurs maitres, il est bon de voir ce dont ces modèles sont justement encore capables. Et si le dernier SUICIDE COMMANDO avait su convaincre, il restait au duo mexicain à donner un successeur à Memorias Atras.
Si on l'osait, on se risquerait à dire "Hocico dit, Hocico fait!". Reprenant ici et là les marques d'accalmie du précédent album (la très froide Lost Fate au rythme lent et angoissant), Tiempos De Furia est surtout un condensé explosif de savoir-faire. On y retrouve ce qui fait le succès d'HOCICO (certaines mauvaises langues diraient les stéréotypes du genre) : des mélodies travaillées pour des titres dansants, et une bonne dose de rage. Qu'il s'agisse de nous glacer le sang (I Want To Go To Hell) ou de le faire couler sur le dancefloor (Hey...It's Me par exemple, ou la tuerie Altered States), HOCICO sait comment s'y prendre. Personne n'en doutait d'ailleurs, et si l'on peut leur reprocher une certaine redite, il conviendrait peut être plus de parler d'une marque de fabrique reconnaissable et attendue des fans. Et même si il arrive au duo de parfois rater son coup (certains titres semblent manquer d'inspiration et tomber dans la facilité), l'ensemble est rapidement addictif.
Avec Tiempos De Furia HOCICO garde une bonne longueur d'avance sur sa multitude de suiveurs et prouve que, oui, l'électro dark peut encore captiver, et délivrer une dose de vraies ténèbres bien sombres à un rythme irrésistible.