L'insecte de la pochette de Wrack and Ruin semble à mi-chemin de sa métamorphose entre chenille et papillon. C'est une bonne métaphore du son d'HOCICO à l'époque de la sortie de Wrack and Ruin. Sur cet opus, le groupe poursuit sa mutation du dark electro canal historique vers un son aggrotech taillé pour les clubs du XXIème siècle.
En clair : nos mariachis électroniques consacrent désormais l'essentiel de leur talent à faire danser les masses cybergoths. En dehors de trois plages ambient horrifiques et deux requiems midtempo (Spirits of Crime et Death as a Gift, les sommets de l'album), on ne trouvera ici que du gros hymne à danser. Rythmiquement, point de salut en dehors d'implacables backbeats à différents tempos. Mais Erk et Racso savent néanmoins entretenir l'attention de l'auditeur. Beaucoup de formations EBM modernes sonnent génériques et interchangeables, mais ces deux-là, tout en se pliant pourtant aux codes du genre, ont toujours réussi à conserver une identité sonore charismatique.
Dans le secret de son studio, on savait Racso Agroyam capable de composer des symphonies infernales. Mais il est aussi en mesure d'écrire de petites mélodies à cinq notes qui restent dans la tête (ce qui demande au moins autant de talent). Tales from the Thirld World et Born to be Hated appartiennent à cette dernière catégorie. Avec leurs lignes de synthés pleines de spleen sur des basses qui pulsent façon "hi-NRG", tous deux sont des leçons de beauté dans la simplicité.
Ecos a un refrain si candide qu'il est surement le morceau le plus "electropop" de la discographie du groupe. Même les paroles en espagnol et les samples tournent autour du thème de l'amour (sous un angle triste et pessimiste cependant). Le titre est une petite friandise électronique, mais bien entendu empoisonnée…
Sur Bizarre Words, la voix ultra-traitée d'Erk Aicrag se mêle à des nappes crépusculaires dans une atmosphère mystique. Love Posing as a Prostitute est un de ces titres qui a valu au groupe des accusations de misogynie (comme nombre de leurs pairs d'ailleurs). Comme sur Sexo Bajo Testosterona, Ladykiller ou Instincts of Perversion, les paroles à la première personne mêlent sexe et violence, sans que l'on sache s'il s'agit de nous mettre dans la tête d'un psychopathe, ou bien l'expression de fantasmes un brin malsains… Sans débattre de son ambiguïté morale, le morceau est assez réussi, avec des sonorités inhabituelles pour le groupe qui reflètent parfaitement l'ambiance déviante et transgressive.
La musique d'HOCICO a un climat plus étrange, "dark fantasy", que l'esthétique fetish/cyberpunk au rabais de beaucoup de leurs homologues. Leurs titres ne font pas dans la science-fiction dystopique. Ils traitent parfois de l'indicible, mais le plus souvent de la noirceur du réel, des douleurs et luttes inhérentes à la condition humaine. A ce titre, certains textes de l'album abordent des thèmes plus sociaux (racisme, pauvreté…) que le morbide grand guignol auquel le genre nous a habitué.
Au final, peu importe que la musique du groupe à l'araignée se soit faite plus accessible avec le temps. La "Hocico's touch" n'a jamais été une affaire de "démons haineux surgis des profondeurs de l'enfer". Ça, c'est le baratin cliché des dossiers de presse et chroniqueurs paresseux. La vraie magie du projet réside dans le contraste entre laideur et beauté, agression et émotion. La petite lumière au fond du gouffre, en somme. Sur ce plan, Wrack and Ruin est une réussite, et un classique indéniable des deux Mexicains.
