Chronique | Holograph - The Manor

Pierre Sopor 20 mars 2025

Né en 2020 en Afrique du Sud en plein confinement, Holograph avait sorti quelques singles avant de se mettre en pause en 2023. Le projet initié par Warren Fisher, Desmond Kannemeyer et Ines Soutschka ressort cependant du tiroir avec l'EP The Manor et un line-up remanié autour du duo Fisher - Soutschka, relocalisé à Amsterdam. Cette histoire personnelle est indissociable de la musique : The Manor est un témoignage de cette période où trois musiciens se retrouvaient coincés avec rien d'autre à faire qu'écrire de la musique.

Ce qui séduit d'emblée avec Holograph, c'est ce mélange d'influences : leur rock, sombre et mélancolique, doit autant au post-punk qu'au blues, ce qui lui confère aussi bien sa dureté que son entrain. La pluie de Manchester et le soleil éblouissant du désert se retrouvent en effet dès Crystal Clear, entrée en matière hypnotique, dégage un parfum à la fois psychédélique et sinistre. Le groupe nous réchauffe avec la poésie nostalgique d'Unterwelt, moins anxiogène, : Holograph alterne entre onirisme mystérieux et poésie froide, douceur et passages plus lourds comme la conclusion de Open Your Eyes, valse un brin lugubre aux contours gothiques qui attire tout particulièrement notre attention. Si les émotions ne débordent jamais et qu'Holograph se contient, l'intensité est bien là, rampante, palpitant dans la basse nerveuse d'Outside, par exemple.

The Manor dégage une impression douce-amère. Alors que la nostalgie pointe à nouveau le bout de son nez lors du final Green Sky, on se souvient alors qu'il est le souvenir d'une époque où trois amis ont créé ensemble Holograph. Ce manoir est alors hanté de souvenirs communs, c'est aussi le dernier regard en arrière d'expatriés qui vont désormais aller de l'avant de leur côté. Avec ses guitares tantôt entrainantes, tantôt hallucinées, son chant introspectif et contemplatif et les nuances qu'il contient, The Manor a le goût d'un rêve agréable dont on s'éveille, qui déjà s'échappe, mais dont on essaye encore un peu d'en deviner les agréables contours pour en profiter une dernière fois. On apprécie alors qu'un si jeune groupe, dans une de ses premières sorties et à l'heure de regarder vers l'avenir, ait déjà cette mélancolie et cette tonalité crépusculaire sous-jacente : Holograph semble commencer par la fin, par un adieu. Voilà qui garantit une sacrée vigueur pour les années à venir !