Depuis une petite dizaine d'années, la scène industrielle française est en ébullition : de nouveaux projets passionnants et ambitieux sont apparus et, surtout, ont su convaincre leur public. Shaârghot, Moaan Exis... et bien sûr Horskh, qui a pris un malin plaisir à faire de l'ombre aux têtes d'affiche avec qui le trio a tourné ses dernières années (Igorrr, Carpenter Brut, Ministry, Perturbator...) en plus de s'incruster de plus en plus dans les playlists de DJs français et internationaux. Un peu à l'image de Sierra, Horskh est un produit d'exportation qui plaît. BODY arrive comme la cerise sur cette stratégie de développement.
Un troisième album, c'est délicat : Horskh n'est plus une "nouvelle sensation". Ils ont fait leurs preuves et sont désormais attendus au tournant. Pour grandir, le groupe a fait appel aux services de l'incontournable Thibault Chaumont pour le mix et le mastering (qui a bossé avec Carpenter Brut, Igorrr, Shaârghot...) mais ne chamboule pas non plus ses habitudes. BODY, c'est du Horskh tout craché, quelque chose qui va vite, qui tape fort, qui ne lambine pas en route et va à l'essentiel. Bastien Hennaut, cerveau, voix et âme du projet, nous expliquait en interview avec son side-project PØGØ l'importance de l'efficacité. Il aime les titres courts qui ne s'éparpillent pas, ces décharges d'énergie dont rien ne dépasse.
BODY est une machine à tubes : chaque piste atteint sa cible. Il est impossible de résister au groove mécanique d'Interface, à l'énergie punk qui jaillit d'XLungX, à l'impact de la monumentale Turbine On et son atmosphère martiale futuriste ou au désespoir menaçant d'Useless Animal. Parmi les grandes forces de Horskh, il y a ce chant, si humain malgré les effets, et les différentes voix que prend Bastien pour incarner les différents personnages de son univers futuriste. BODY s'empare de thèmes actuels et les aborde sous un angle futuriste (les interfaces, les IA, les corps dont les apparences nous obsèdent mais qui mutent au contact de la technologie...). Les rythmiques impitoyables se font alors l'écho parfait d'un monde où il faut être beau, productif, et où l'efficacité (encore elle) fait loi.
Pourtant, BODY dégouline également d'humanité. On parlait de cette voix, communicative. Horskh revendique une étiquette de "grunge industriel" : plutôt que le spleen d'Alice in Chains, c'est le sens de l'accroche de Nirvana qui est ici passé à la moulinette des machines (imaginez un croisement entre Kurt Cobain, Nitzer Ebb en version cyberpunk et Combichrist mais boosté à la modernité, plus agressif, plus incisif, plus épileptique), cette façon de retranscrire une rage viscérale avec une mélodie simple qui séduit tout de suite, d'aller vite et fort tout en faisant plaisir. Les guitares ont pris plus de place dans Horskh, tant mieux, les riffs ont gagné en épaisseur et les mélodies discrètes apportent un vrai relief, expriment un sentiment (comme par exemple l'aliénation dans Interface). Horskh a beau être concis, Horskh ne bâcle pas : au-delà de la satisfaction immédiate du gros boum-boum irrésistible, on trouve toujours ce travail sur les ambiances, ces moments de répit au sein des morceaux qui créent des contrastes vertigineux (les accalmies de Do It avant les injonctions autoritaires du refrain, Distorted Again et cette impression que la machine part en vrille en fin d'album).
Avec BODY, Horskh peaufine sa tambouille : danse cathartique, furie futuriste, ambiance cyberpunk. Des cris, des grosses basses et une âme humaine vivace et torturée qui laisse exploser ses colères et ses frustrations, le tout condensé en trois minutes à chaque fois. La formule est la bonne : Horskh a trouvé comment s'exprimer en accordant modernité, richesse et honnêteté de la démarche. Et surtout, ça tabasse toujours autant : ce troisième album est une décharge d'adrénaline qui nous chope par les entrailles et procure immédiatement ce sentiment jubilatoire de pleinitude. En bref, ça fait du bien par où ça passe.