Mais qu'est ce que c'est que ça, un Hurdy-Gurdy ? Ou une Hurdy-Gurdy ? Du Hurdy-Gurdy ? C'est le petit nom que les Britanniques donnent à la vielle à roue, cet instrument médieval à cordes et clavier. C'est aussi le nom du groupe français à qui l'on doit ces Turpitudes en fleurs de Scarlatine Wepler, un album plein de violons, de pianos, de guitares et de cuivres... Mais, à en croire les crédits officiels, pas de vielle à roue.
Titre à rallonge, artwork élégant au parfum suranné : HURDY-GURDY met les formes pour nous plonger dans son univers théâtral décalé, où les oeuvres ont des prologues, des épilogues, une narratrice, des chapitres, des premières parties, des secondes parties et parfois même des troisièmes parties. "Rock sophistiqué", qu'on nous souffle à l'oreille, placé sous l'ombre bienveillante de ses illustres modèles (Nick Cave et ses Murder Ballads, Tom Waits ou les DRESDEN DOLLS pour ce goût de la mélodie brinquebalante et de la poésie ironique) : voilà comment se présente la troupe. Aguicheur.
Alternant entre l'anglais et le français, Jérôme Gurdyk, mi-crooner, mi-Mr Loyal nous entraîne dans ce cirque nocturne désinhibé. On apprécie l'atmosphère, élégante et boiteuse à la fois (on imagine facilement l'ambiance brumeuse dans laquelle évoluent les musiciens) : les instruments, parfois pléthoriques, s'expriment avec liberté jusqu'à ce que les choses virent à la joyeuse cacophonie des fins de soirée arrosées (HURDY GURDY confesse son goût pour CAPTAIN BEEFHEART et il y a bel et bien un peu de la folie surréaliste et tapageuse de Trout Mask Replica dans les compos) . Il y a de quoi se perdre dans ce bric-à-brac, dans cette danse folle et imbibée alors que la tête tourne et les sens vacillent. L'euphorie apportée par l'ivresse ne durera pas forcément tout l'album (une heure et quart, c'est long et ambitieux pour un premier effort !), mais on trouvera toujours de belles choses auxquelles se rattraper (la mélancolie hallucinée de cette Western Vodka, le mystère de Pendu & Célébré ou la folle vie qui anime Pullilogène n°2 ne sont que quelques exemples). C'est important de bien finir une oeuvre et Les Turpitudes en fleurs de Scarlatine Wepler ont droit à un final dantesque où des cuivres en roue libre apportent un point final possédé à cet ensemble conséquent et généreux.
Ce premier album de HURDY-GURDY demande un temps d'adaptation. Il faut prendre le temps de se laisser emporter par la vie qui s'en dégage, il faut le temps de l'écouter, le temps de l'assimiler et de se l'approprier. Prenez le donc, ce temps, au lieu de le perdre autrement.