Le sixième album d'HYPNO5E, Sheol, (le séjour des morts ou la "tombe commune de l'humanité" en hébreu), qui sortira le 24 février 2023 et qui signe l'arrivée de Pierre Rettien à la batterie et de Charles Villanueva à la basse, fait suite à A Distant (Dark) Source avec lequel il est étroitement lié puisque, tout en gardant comme thème centrale la Bolivie et le lac Tauca aujourd'hui disparu, il situe sa trame à une période antérieure à celui-ci. En effet, un homme redescendait sur les anciennes rives du lac à la recherche du fantôme de la femme qu'il aimait, mais que s'est-il passé avant cette nuit là?
S'il faut écouter l'album de la première note à la dernière pour en apprécier toute la richesse émotionnelle et scénaristique, les deux albums peuvent s'écouter l'un après l'autre tel un diptyque qui cree une boucle sans fin passant de l'ombre à la lumière et de la lumière à l'obscurité. L'arrivée de ce nouveau line-up a cependant su donner à l'album une couleur plus brute, plus organique, plus live et moins martiale que par le passé. La batterie est moins écrasante, moins implacable, peut-être parce que Pierre Rettien apporte son audacieuse expérience héritée du jazz qui crée une rythmique unique (Emmanuel Jessua, le chanteur, nous en parle plus dans l'interview qu'il nous accordait récemment). Sheol est donc le côté lumineux de ce tableau, viscéral, complexe et poétique, il nous invite dès le début à une nouvelle introspection qui commence avec force et détermination sur fond de guitares énervées avec Sheol parties I et II. Une entrée en matière presque brutale qui laisse place sur Bone Dust au parfait équilibre entre force et fragilité, grâce à des notes plus mélancoliques, et à son envoutant début au violoncelle. Tauca Part I, le quatrième morceau, est comme une pause profondément hypnotique : on ferme les yeux et on laisse les fantômes qui viennent à nous nous entourer comme l'étreinte d'un passé évanescent mais rassurant. Le chant est clair tout le long, les mots dansent tout en suspension dans la brume en parfaite harmonie. Quand on rouvre les yeux on se sent moins seul et surtout plus vivant que jamais. Un texte magnifique emprunt d'une sensibilité exceptionnelle. Lava from the Sky et The Dreamer and His Dream nous réveillent enfin, amenant une ambiance plus écrasante, le son est plus saccadé, obombré mais toujours teinté d'espoir. Enfin, Slow Steams of Darkness - Part II - Solar Mist ramène comme une ombre heureuse la mort dans sa forme la plus brute sur le devant de la scène, sans laquelle toute la dimension que nous venons de traverser ne pourrait exister, et clos cette œuvre d'une main de maitre. HYPNO5E est un groupe inspiré par une multitudes de sources culturelles infiniment variées (nous pouvons d'ailleurs entendre dans Slow Steams of Darkness Part I quelques répliques des Enfants du Paradis de Marcel Carné, un des plus beau film qui soit) et ceci s'en ressent dans l'écriture et l'ambiance de cet album qui nous plonge dans une histoire et un univers au sein duquel on resterait bien pour l'éternité.
Cette exploration intérieure au milieu des spectres sur fond de paysages arides d’où surgissent une pluie de souvenirs nous rappelle ce que c'est d'être vivant et prendra surement encore plus d'ampleur en live. Nous avons hâte de voir ça !