Après quelques expérimentations, Chris Corner ramène IAMX en terrain plus familier : fini les bidouilles modulaires de Machinate ou les explorations acoustiques d'Echo Echo, Fault Lines¹ renoue avec le son "classique" de son projet, si cet adjectif peut encore qualifier sa musique. Présenté comme une exploration des fractures de nos vies, ce nouvel album fournira sans nul doute au culte de Corner huit nouvelles raisons, soit autant de nouveaux morceaux, de tomber en pamoison devant ses créations.
De culte, il est bel et bien question : avec son génie, sa voix androgyne unique et la grâce de ses compositions, l'artiste suscite une adoration de la part de sa fanbase à laquelle, ironiquement, on peut aussi imaginer que le premier morceau de l'album s'adresse. Disciple, invective théâtrale, racines industrielles : c'est puissant, entraînant entêtant. Familier, le son d'IAMX n'est pas non plus dans la répétition des récents albums et délaisse les froideurs cérébrales IDM post-Everything is Burning. On pourrait d'ailleurs vite reprocher à Corner d'être moins audacieux, moins aventureux. Fault Lines¹ nous séduit en nous offrant finalement ce que l'on a envie d'entendre : des refrains conquérants, une mélancolie extravertie, un piano qui fait des merveilles quand il faut (le morceau-titre, Radical Self-Love)... et toujours cet équilibre entre des textes incarnés et la froideur de l'électronique, entre le mordant du propos et l'agréable douceur de cette pop sombre.
Fault Lines¹ se présente donc comme un album facile à apprécier, facile à assimiler. On y apprécie particulièrement les titres plus froids et agressifs qui se détachent du lot (Thanatos), un chant toujours exceptionnel, la poésie qui s'en dégage (Army of the Winter Sun et un final en forme d'apothéose funèbre minimaliste et abstraite), l'élégante délicatesse de l'ensemble, son grain de folie ainsi que la puissance des émotions exprimées. Cependant, malgré toute son efficacité, à l'image du single The X ID, IAMX semble parfois en mode automatique. Après avoir essayé quelques bizarreries ces dernières années, retrouver Corner là où on l'attendait a certes quelque chose de plaisant et rassurant, mais c'est aussi un peu décevant : Fault Lines¹ a fière allure, Fault Lines¹ est parfois superbe, mais Fault Lines¹ ne surprend pas et dégage une impression de facilité déconcertante, certes, mais aussi une forme de nonchalance. Ce panache, ces lamentations qui semblent faire la cour à l'auditeur, ce velours chatoyant... Finalement, Corner nous sert ce qu'il fait de mieux, sans trop se casser la tête, et le fait sur huit titres, ce qui est un peu court. Un second album étant prévu pour plus tard cette année, peut-être faudra-t-il attendre d'avoir les deux pour apprécier l'ensemble sous un nouvel angle.
Peut-être trop conscient du pouvoir de séduction de sa musique, IAMX nous offre avec Fault Lines¹ un album aussi solide que frustrant. Oui, c'est très beau, mais ça, on le savait déjà avant de l'écouter. A chacun de déterminer s'il vaut mieux un IAMX flamboyant, étourdissant, éblouissant mais convenu et un brin prévisible ou un IAMX parfois boiteux mais qui se risque à des choses plus radicales. Après vingt ans d'existence, et malgré le réel plaisir que procure l'écoute, il n'est pas non plus ingrat de parfois espérer un peu plus, surtout connaissant l'inspiration dont Corner est capable.