La nouvelle, petit à petit, se répand : ICE AGES est de retour. Après douze années de silence, l'Autrichien Richard Lederer (SUMMONING, DIE VERBANNTEN KINDER EVAS) ravive son projet de musique électronique industrielle à l'ambiance glacée qui, selon son propre aveu, n'est certainement pas faite pour faire danser les gens. Pour être honnête, qui attendait encore ce quatrième album ? L'éternité se mesure à des détails simples : la dernière fois qu'on avait entendu parler d'ICE AGES, c'était probablement sur myspace, la page facebook nouvellement créée semble sortir tout droit d'une faille temporelle. ICE AGES, ses rythmiques hypnotiques, ses ambiances pesantes, son chant sépulcral : c'est ce qu'on espère retrouver avec Nullify.
Mais ce come-back semble si irréel, si anachronique, qu'on en vient à douter... Est-ce qu'on parle bien du même projet ? Pourvu que ça ne soit pas un tribute-band inspiré par la série de films d'animation à l'insupportable bonne humeur hystérique, nos sourcils froncés ne s'en remettraient pas. Fébrile, les mains légèrement tremblotantes et les tympans qui s'en frottent encore les yeux pour y croire, on lance le morceau-titre. Mélodies minimalistes, ambiances glaciales, nappes menaçantes, rythmiques assurées par des bruits d'usines polluantes : yes ! Yes, yes, yes ! Si on ne craignait pas tant d'agacer le très sérieux artiste derrière cette musique si dépressive, si boudeuse, on se risquerait à une petite danse de la victoire : ICE AGES est bien de retour !
Reprenons nos esprits : ICE AGES, ça s'écoute en hiver. Dans le noir. Dans une grotte. Humide. En ayant faim. En détestant tout le monde. En pensant à des ruines de complexes industriels. En cela, rien n'a changé. Le chant de Lederer est toujours le même avec ce phrasé monolithique qui alterne entre cette voix grave d'outre-tombe et les distorsions haineuses. Les mauvaises langues qui trouvaient (à raison, soyons honnête) Buried Silence très proche de son prédécesseur This Killing Emptiness ne devraient pas changer de refrain : Nullify est un retour en terrain connu. ICE AGES a toujours pris son temps pour, au final, ne plus réellement évoluer depuis vingt ans. Comme le dit lui-même Lederer, il ne sortira jamais quelque-chose sous ce nom si ça ne sonne pas comme du ICE AGES. Pourtant, le son est plus léché : du chemin a été parcouru depuis 1997 et le très glauque Strike the Ground. La musique a gagné en ampleur et il suffit d'entendre les petites mélodies à la SUICIDE COMMANDO ou les nappes plus atmosphériques de Empty Shrine pour s'en convaincre.
Si les influences des classiques du genre sont bien là, de l'illustre travail de Johan Van Roy à LEÆTHER STRIP, Nullify ne déroge pas à l'une des règles principales de ICE AGES : on n'est pas là pour rigoler. Nullify ne hausse jamais le rythme, l'ensemble est lent, pesant, théâtral. Pourtant, un titre comme The Wheel a dans on ADN des petits airs d'EBM qui fait remuer. Mais non. On nous a dit non. Non, c'est non. Tu ne danseras point. Tu ne remueras point la tête trop fort. Cependant, on a le droit d'être surpris par ce chant plus mélodieux sur Forsaken en fin d'album qui, à la manière des nappes ambiantes qui l'irriguent tout le long, semble montrer qu'ICE AGES tend à autre chose, à un son peut-être plus introspectif et aérien (toutes proportions gardées). La pochette de l'album illustre d'ailleurs cette dualité, avec ce fond cosmique et lumineux derrière les noires usines.
ICE AGES est un monolithe. On n'attend pas de ce projet qu'il ne bouge plus que ça. Après de longues années de silence, on est ravis de voir que le projet de Richard Lererer est toujours le même roc sur lequel on peut s'appuyer. On se replonge avec plaisir dans cet univers comme si rien n'avait changé et pourtant, peut-être le temps joue-t-il avec notre mémoire, mais Nullify semble plus atmosphérique, plus respirable que ses trois aînés. Avec ce quatrième album en vingt-cinq ans de carrière, ICE AGES reste un objet atypique n'obéissant à aucune convention, aucune contrainte : l'homme derrière tout ça continue de faire la musique qu'il veut, comme il veut, au rythme qu'il veut. On lui souhaite de pouvoir continuer, et on se donne rendez-vous dans dix ans.