Chronique | INCANTVM - Maleficia

Maxine 21 février 2025

Incantvm, projet de black metal avant-gardiste crée par le clarinettiste Vittorio Sabelli (Dawn Of A Dark Age, A.M.E.N.) en 2022, revient cette année avec un nouvel album, Maleficia, sorti le 21 fevrier 2025 via My Kingdom Music. Comme pour le précédent opus, il s'entoure de Tenebra, Samael Von Martin (Evol, Mater a Cliivis Imperat) et de Nequam (The Magik Way) respectivement aux voix de sorcière, démon, et inquisiteur. Davide Straccione (chœurs), Lorenzo Mastrogiuseppe (contrebasse), Luca Tiraterra (batterie) et Marco Molino (percussions) sont également de la partie. La pochette quant à elle est une photo réalisée par Riccardo Ziosi avec Carlotta "Evilla" Vignocchi et Manuel "Baphometh" Casari comme modèle.

Incantvm s'enracine dans l'univers de la sorcellerie et doit pour beaucoup son existence au livre Stregoneria crimine femminile, essai dans lequel Monia Montechiarini tente de redonner la parole aux femmes du passé accusées de toute part des pires maux (épidémies, décès prématurés...) juste parce qu'elles étaient étrangères, sans enfants ou sages-femmes. Il s'agit d'une enquête historique sur des procès qui ont réellement eu lieu au Moyen-Âge contre des femmes accusées de sorcellerie ou d'hérésie fin d’émettre des hypothèses sur des crimes non résolus et de réhabiliter la réputation des inculpées. Un procès qui retient particulièrement l'attention de l'auteur est celui contre Prudentia en 1588 qui fut soupçonnée de sucer le sang des enfants et qui donne ici son nom à l'un des titres de l'album.

Le cadre est posé et la forme de Maleficia prend les allures mystiques de son propos. L'angoisse de l'Inquisition s'insinue dans le creux de chaque notes. Peut-être parce que Vittorio est un musicien passionné et expérimenté, la richesse de l'œuvre est frappante tant la multitude d'instruments, de voix, et de styles nous dépayse pour nous plonger dans un autre espace-temps. Entre modernité et antiquité, complexité et simplicité, l'album est particulièrement accessible, gardant des sons entrainants (Donna Prudentia par exemple restera facilement en tête et tient des airs presque dansants) tandis que Gli esorcismi di Canidia e Sàgana, beaucoup plus oppressante malgré ses notes d'accordéons, flirte avec un black métal plus traditionnel. Notons la référence littéraire à la sorcière Canidia d'Horace, personnage laid et maléfique obsédée par son désir de séduire les hommes, n'hésitant pas à torturer un enfant en suscitant en lui l'envie de manger, pour élaborer son philtre d'amour à l'aide de "sa moelle desséchée".

Les paroles sont d'une dense noirceur mais les ténèbres côtoient la lumières et ici la force féminine se fait dominante tout en laissant s'échapper une certaine mélancolie (Diana le dernier morceau donne un mauvais goût de tristesse à l'histoire. Le black metal d'Incantvm est riche, astucieux et ose même le mariage avec le célèbre Requiem de Mozart, texte liturgique qui fut composé en premier lieu pour un mécène mais qu'il a finalement également adressé à lui-même voyant sa propre mort approcher, celle-ci ne lui ayant même pas laissé le temps d'achever son œuvre. S'il faut plusieurs écoutes pour apprivoiser la relation qui existe entre les deux, une fois comprise, elle devient d'une beauté évidente si bien qu'il s'agit du titre de Meleficia à ne surtout pas manquer, témoignant encore une fois de l'harmonie qui peut exister entre le black métal et la musique classique.