Chronique | Into the Pale Abyss - Murderwave

Pierre Sopor 12 juin 2024

En 2022, Into the Pale Abyss nous avait fait forte impression avec son EP The Darkness Within. Le duo canadien, après avoir sorti quelques singles ces deux dernières années est de retour avec Murderwave, un nouvel EP qui laisse de côté les touches mystiques du précédent et ses rituels démoniaques pour se salir les mains avec la crasse du cinéma d'exploitation poisseux des années 70 et 80. Voilà qui sent bon le grain épais de pellicule et le sang gluant rouge vif, le tout à leur sauce darksynth / techno / indus / EBSM.

Comment, avec des sonorités si modernes, retrouver ce climat cradingue des films d'horreur grindhouse qui ont fait la joie des vidéo clubs ? Your Faith is Futil fournit quelques éléments de réponse : un contraste entre les nappes profondes et menaçantes et celles, plus aiguës, qui font monter la tension et, surtout, un son sali évocateur d'une pellicule abimée qui sauterait pendant la projection... L'ambiance est convaincante. Ligne de basse minimaliste comme John Carpenter affectionne tant, violons stridents qui giclent comme autant de coups de couteaux assénés sous une douche... Horrors nous accroche avec sa rythmique super catchy avant de s'emballer et de se corrompre à grands renforts de samples dégueulasses, notamment une tronçonneuse que l'on retrouve ensuite dans les basses, monumentales. Ouais, voilà : ça charcute, ça pisse le sang, ça tâche et les cris de souffrance se mélangent à notre plaisir primitif, ce truc viscéral et jouissif : c'est ça qu'on veut !

Into the Pale Abyss a su saisir cette essence particulière, granuleuse. Les samples aident, évidemment, mais surtout on se laisse cueillir par la lourdeur du son, par ces grosses rythmiques menaçantes qui battent comme des cœurs arrachés et auxquelles on ne peut rien refuser. Les mélodies darksynth discrètes du morceau-titre ou l'ambiance plus industrielle de Corrupted System et ses touches cyberpunk qui sentent bon les gros câbles grésillant dans la pénombre le démontrent encore : le duo a un réel talent pour l'évocation, pour titiller notre imagination tout en nous matraquant la tronche. Se faire plaisir et faire plaisir, faire patauger le dancefloor dans des flaques de sang collantes : voilà les promesses d'un EP qui sait être très méchant sans perdre le sens du fun !