A quel autre moment de l'année pouvait bien revenir JE T'AIME que pour la Saint-Valentin, et tout son romantisme de comptoir mercantile artificiel et clinquant ? Une ironie et une ambivalence qui vont bien au groupe de cold wave dont le premier album sorti en 2019 transpirait à la fois la mélancolie et l'envie de vivre plus vite que la musique.
Avec Passive, une certaine nostalgie 80's est toujours de mise. On pense fatalement toujours à THE SMITHS et à THE CURE, surtout pour le chant expressif et plaintif de Dany Boy, clown triste décalé et théâtral qui infuse de son énergie tout l'album. Chez JE T'AIME, le mélange des influences et des humeurs fonctionne du tonnerre : l'agressive et frontale Dirty Tricks avec sa guitare lancée à toute allure ou Blood on Fire et ses chœurs rageurs jurent avec les titres plus mélancoliques (Another Day in Hell et Marble Heroes, au spleen glorieux), mais c'est au sein des titres eux-mêmes que l'on apprécie le grand écart proposé par le groupe. JE T'AIME est là pour nous faire transpirer, nous faire remuer, mais nos regards enivrés rivés au sol, nos paupières écrasées par le chagrin. Stupid Songs et ses airs de tube suranné ou On The Phone et ses refrains accrocheurs sont aussi divertissantes que mélancoliques. Au-delà du référentiel (la basse semble avoir été trouvée dans le nord de l'Angleterre !) et de l'efficacité de tous les instants (difficile de se sortir de la tête Lonely Days ou Cold et son puissant final tout en désespoir synthétique, presque industriel), c'est ça qui fait tout l'intérêt de JE T'AIME : cette habileté constante à nous faire danser sans que l'on ne sache trop sur quel pied. Le groupe jongle avec poésie et crudité, mélancolie et ironie, et se tient sur un fil ténu entre hommage et pastiche, souvent à la limite du too-much mais jamais ridicule, ringard ou lourdingue, toujours touchant dans sa fête triste pour, au-delà des références et de la nostalgie, affirmer une identité propre.
Avec ce deuxième album, JE T'AIME prolonge sa démarche de modernisation nostalgique et réussit toujours si bien à communiquer une envie viscérale de noyer ses chagrins dans une fête sans fin, où l'on se trémousse avec l'énergie du désespoir pour que jamais la nuit ne s'arrête. Mélancolie et énergie étourdissante, élégance de dandy déglingué, efficacité de tous les instants, intensité, douleur et décadence : voilà ce que propose Passive. L'humeur est bien sûr à la pluie et la grisaille, mais c'est pour mieux réfléchir les néons et autres lumières nocturne dans les flaques d'eau.