Actives depuis 2013, les Islandaises de KÆLAN MIKLA avaient frappé très fort avec leur troisième album en 2018, dont nous avions parlé dans ces colonnes, proposant une darkwave plus effrénée et plus inquiétante que d'autres groupes de leur génération comme LEBANON HANOVER ou SELOFAN. On attendait donc avec impatience le quatrième opus Undir Köldum Norðurljósum, sorti cette année, d'autant que le groupe l'a annoncé avec un très beau clip et de somptueuses illustrations pour l'album et ses singles !
Undir Köldum Norðurljósum s'avère très différent de Nótt Eftir Nótt et ses prédécesseurs. Si le trio joue toujours de la combinaison entre le clavier de Sólveig Matthildur, la lourde basse goth de Margrét Rósa Dóru-Harrýsdóttir et le chant féminin en islandais de Laufey Soffía, c'est à présent d'une façon toute différente : les compositions ne sont plus furieuses mais contemplatives, Laufey Soffía abandonne les cris stridents et son martèlement désespéré pour un chant mélancolique et éthéré. Voilà qui a de quoi décontenancer !
Mais après tout, pourquoi pas ? L'album regorge de perles sombres, dans un registre onirique qui peut nous faire penser aux premiers albums de COCTEAU TWINS. KÆLAN MIKLA se concentre sur la fascination envers la beauté mystérieuse, sur des thèmes qui semblent être ceux de la nature et du fantastique d'après le peu que l'on comprend des titres à l'aide de la traduction en ligne. On se laisse absorber par les mélodies planantes du synthétiseur et les surgissements occasionnels de flûte, saisir par la gravité de la basse ; quant au chant de Laufey Soffía, force est de reconnaître qu'il n'a jamais été aussi beau ! C'est lorsqu'elle semble s'abandonner entièrement à la fascination qu'elle nous touche le plus.
Les morceaux les plus réussis sont aussi les plus sombres : le magnifique et inquiétant Sólstöður en premier lieu, mais aussi le glacial Svört Augu ainsi que Óskasteinar pour son intro lugubre à souhait et son crescendo. On est moins convaincu par la collaboration avec ALCEST sur Hvítir Sandar : la présence de guitare saturée sur un morceau de KÆLAN MIKLA pourrait être intéressante mais ce n'est pas forcément le meilleur parti qui en a été tiré ici, la chanson reste étrangement plate malgré cet apport. Halastjarnan, quant à elle, se montre trop claire et trop légère pour nous captiver.
Undir Köldum Norðurljósum est donc un bon album, qui nous aura procuré le plaisir de l'émerveillement. Bien sûr, on se sent tout de même un peu pris pris à rebrousse-poil par cette évolution alors que les Islandaises paraissaient avoir encore des choses à dire dans un style plus tourmenté, mais le fait est que le résultat est toujours de qualité. Cependant, parce que l'on aime beaucoup KÆLAN MIKLA, on se montrera plus exigeant qu'on ne l'aurait été avec un autre groupe en soulignant qu'il y a tout de même un point sur lequel on trouve cette nouvelle formule un peu faible, et ce sont les nappes de synthétiseur : celles-ci n'ont plus leur splendeur glaciale d'autrefois et sont désormais fort simples, très eighties, proches par exemple de ce qui se pratique dans la synthwave ; elles remplissent certes leur tâche en donnant aux mélodies leur aspect planant, mais KÆLAN MIKLA nous a habitués à plus de richesse sonore. Peut-être y a-t-il encore un équilibre à trouver entre les différentes facettes du groupe.
Après tout, si nous sommes satisfaits de cet album comme des précédents, ça ne nous empêche pas de penser que KÆLAN MIKLA peut faire encore mieux.