La vie est faite de cycles. Prenez donc Chemical Sweet Kid : apparu il y a bientôt quinze ans, ce qui était à l'origine un projet dark electro a peu a peu muté pour devenir un groupe de metal industriel. Alors que le trio, toujours discret en France, commence à faire son petit bout de chemin en Allemagne, Julien Kidam se lance dans un side-project... en se débarrassant des guitares. Faut-il voir Kaos Karma comme un retour à ses racines pour l'artiste ?
Eh bien, oui et non. Bien sûr, on retrouve dans Panic Room de nombreux points communs avec l'album Tears of Pain paru en 2011 : ce même sens du gimmick musical, de la mélodie imparable qui s’incruste dans nos tympans, ce goût pour l'agressivité... mais aussi un certain décalage avec, à nouveau, une reprise en guise de conclusion. Pourtant Kaos Karma ne fait pas dans la redite : en plus de dix ans, Julien Kidam s'est nourri de ce que la scène autour de lui propose. Surtout, il n'a pas perdu de son sens pour le théâtral et ses vociférations sont à la fois celles d'une créature effrayante et du Monsieur Loyal qui présente ce cirque monstrueux.
Si l'on retrouve l'ADN des incontournables du genre (ce chant nasillard qui nous crache son fiel comme le ferait Erk Aicrag dans Hocico et Rabia Sorda, par exemple sur la rageuse et entêtante Fake Life dont les percussions apportent une pesanteur industrielle appréciable), Kaos Karma emprunte à l'EBSM, à la darksynth (il y a un peu de Tamtrum qui rencontre Perturbator dans la frénétique Deaf Violence) ou aux rengaines plus pop pour avoir un attrait immédiat, universel, plus proche des facettes dansantes de Project Pitchfork que des cauchemars glaçants de Suicide Commando (est-ce d'ailleurs un hasard si le projet de Peter Spilles, avec qui Chemical Sweet Kid a souvent partagé la scène, a remixé un des titres ?). Une rythmique catchy, une mélodie qui fait mouche : Into the Dead of Night, Wanderer, Break the Silence, Down in the Pit et bien sûr cette improbable reprise de Daddy Cool ont ce potentiel festif et fédérateur.
Malgré leurs simplicités apparentes, les morceaux sont soignés et suffisamment riches et étoffés pour mettre en valeur ce côté théâtral, parfois même horrifique (I Will Dance in Your Nightmares ou la très froide Forgotten dont le sound-design et les effets sur le chant contribuent grandement à l'efficacité). Kaos Karma a digéré ses nombreuses influences, anciennes comme actuelles, pour proposer un premier album séduisant, à la fois fun et oppressant, facile à aimer mais avec le souci du détail. Surtout, cela offre une parenthèse plus légère à Chemical Sweet Kid... tout en proposant peut-être une alternative plus bankable, du moins Outre-Rhin, moins contraignante d'un point de vue logistique. Malin ! Panic Room regorge en tout cas de hits potentiels qui n'attendent qu'à tourner dans vos playlists.