Quand l'EP Objet No.2 / III était sorti, il y a maintenant trois ans, KATZKAB annonçait travailler sur une trilogie d'EP et on se réjouissait d'avoir de leurs nouvelles rapidement, format plus court oblige. Exactement trente-sept mois plus tard, le groupe fondé par deux anciens de KATZENJAMMER KABARETT revient enfin avec finalement un album complet, un vrai, un qu'on a attendu bien plus longtemps que prévu !
Ne serait-ce qu'à sa pochette, Le Syndrome de Diogène nous plonge dans l'univers fantasque de KATZKAB, fait de bric et de broc et pluriculturel : sur un sol sorti d'un cauchemar de Burton, une colonne antique et ce qui ressemble à un mannequin brisé occupent le premier plan. Dans le fond, une pomme se fait aspirer par un trou de ver, le tout sous le regard d'une entité cosmique masquée. Accumulation compulsive, ici de références et d'univers ? On appelle ça "syllogomanie".. .ou "syndrome de Diogène" nous apprend wikipedia, tiens.
L'album démarre sur des cuivres en roue libre lançant la valse de la bien nommée Slimy Waltz, au piano élégant et au chant expressionniste. On pense aux DRESDEN DOLLS, voire à STOLEN BABIES (la partie metal en moins), mais surtout, à KATZKAB et son mélange batcave / cabaret décalé. Un décalage qui s'exprime notamment via une forme d'ironie constante (Strange Meat est un hommage à Véronique Courjault qui gardait des bébés congelés au congélateur : il y a des tordus plus modernes que Barbe-Bleue ou Jack l'Eventreur !). Un humour noir mêlé à une forme de poésie macabre qui sont en tout cas toujours présent dans It's A Trap et sa rythmique post-punk endiablée, où l'on pense à du BAUHAUS repris par Dali. Boite Miroir propose une ambiance plus sombre, où un saxo échappé d'un film de Lynch accompagne un chant en français menaçant toujours séduisant et accrocheur. Ein Kleines Loch, avec ses sons synthétiques, son rythme effréné et son chant scandé en allemand a des faux-airs de DAF en plein trip, où l'on aurait greffé des lignes de basse, des chuchotements flippants et des effets cauchemardesques.
Les titres sont courts et jouissifs, s'enchaînent parfaitement. On arrive à la moitié de l'album et on a déjà eu droit à trois langues, de l'electro, des guitares, des passages free-jazz, du piano, des ambiances variées : la musique de KATZKAB assume son côté patchwork, monstre de Frankenstein élégant et sophistiqué mais jamais incohérent. DSM-5 est une belle illustration de cette alchimie, avec ses nombreuses variations de rythme en moins de trois minutes et son refrain irrésistible qui dégénère en fin de morceau. Le groupe s'amuse à dépoussiérer ses influences : Spectral Rendez-Vous ou Tyke auraient tout à fait leur place dans une soirée goth, la touche dada en plus : un synthé déviant par-ci, un saxo experimental par-là, KATZKAB surprend en faisant preuve d'une créativité de tous les instant. L'identité du groupe est forte, aucun doute là-dessus. Une originalité et un décalage qui s'exprime jusque dans le support sur lequel l'album est proposé : lors des concerts du groupe, vous pouvez l'acquérir sur une clé USB-poupée vaudou.
Le Syndrome de Diogène est un album court, efficace, qui s'écoute d'une traite. Si vous l'achetez, vous aurez droit à sa version longue, découpée en deux faces, enrichie de transitions et morceaux cachées. On a par exemple droit à une transition hallucinée où un saxo sorti de ses gonds accompagne des grognements d'ivrogne, ou à une nouvelle introduction à DSM-5 en début de face B, et son clavier de maison hantée savoureux. Il serait sincèrement dommage de passer à côté tant Le Sybdrome de Diogène est un disque attachant et rafraîchissant, élégant et déviant, un nouvel objet singulier de plus dans l'histoire de KATZKAB.