Véritable produit issu d'internet, Kim Dracula a connu un ascension fulgurante suite à la diffusion de plusieurs morceaux sur son compte TikTok, dont une reprise du titre Paparazzi de Lady Gaga. Il faut dire que le gaillard, "petit mec venu d'une petite ville" de Tasmanie, a de solides arguments, à commencer par sa maîtrise vocale qui lui permet de faire à peu près tout avec sa voix, mais aussi par son univers décalé et trash. Rien d'étonnant alors à ce qu'il se fasse très vite remarquer par les plus grands, notamment l'iconique chanteur de Korn Jonathan Davis avec qui le jeune australien a sorti un morceau. Avec ses millions d'auditeurs mensuels et des collaborations à la pelle, il était temps de consolider le travail accompli en sortant un premier album studio.
Il faut le dire, la première écoute de A Gradual Decline In Morale est déroutante. L'artiste a en effet l'habitude de proposer plusieurs ambiances au sein d'un même morceau, passant du metal extrême à la trap ou encore de l'électro au jazz, alors imaginez le résultat quand on étale cette démarche sur vingt morceaux qui s'enchaînent sans répit et sont entrecoupés de jingles et d'interludes au ton humoristique. Résultat, on se retrouve au cinquième morceau de l'album sans avoir réalisé qu'on avait terminé d'écouter le premier. Forcément, il faudra alors plusieurs itérations pour commencer à discerner les morceaux les plus intéressants de l'album ; et ils sont nombreux. Il y a bien évidemment Seventy Thorns et son mélange de glam metal et de trap music dans lequel Jonathan Davis vient pousser la chansonette. On retrouve également les singles Make Me Famous et Drown où l'artiste s'amuse à passer d'un style musical à un autre avec une facilité déconcertante (le tout étant quand même fortement orienté metal). C'est fou ce qu'on peut faire tenir dans des morceaux d'à peine trois minutes quand on a un peu de savoir-faire. On apprécie également Superhero et ses relents funky ou Divine Retribution dans laquelle le jeune tasmanien dévoile une palette de chants diverse et variée.
Kim Dracula est un monstre et sa performance vocale est tout simplement époustouflante. Sa large tessiture lui permet de passer du grave à l'aigu (très aigu) sans problème et la maîtrise de son flow est impressionante : qu'il prenne une voix de crooner, qu'il utilise le chant clair ou bien qu'il beugle comme une truie qu'on égorge façon grindcore, le rendu est à chaque fois impeccable. Le constat est aussi vrai sur Undercover et sa salsa endiablée ou Industry Secrets qui nous explique que pour réussir dans le show business, il faut savoir souffler très fort... ("It's who do you know... and who do you blow..."). Kitty Kitty et Rosé posent une ambiance un peu plus décontractée tandis que Reunion And Reintegration explore du côté du grindcore. On en prend décidément plein les oreilles et il y en a pour tous les goûts. On regrette malheureusement que, sur la durée, l'effet produit par les changements constants de rythmes et d'ambiance rende un peu indigeste une recette qui semble pourtant sympa de prime abord. On se demande d'ailleurs ce que ça pourrait bien donner en live ; si les nombreuses cassures de rythme fonctionnent bien sur album, on peine à imaginer que l'effet en concert soit le même.
A Gradual Decline In Morale est à l'image de celui qui l'incarne, un OVNI musical complètement fou et décomplexé dont l'écoute s'avère pleine de surprises, bien qu'un poil éprouvante. Kim Dracula n'en reste pas moins un artiste hyperactif à suivre, une vraie tornade comme seule la Tasmanie sait nous offrir.