KMFDM est une machine qui ne s'enraye jamais. Certes, le rythme d'un album par an des années 80/90 a légèrement ralenti et est désormais d'un tous les deux ou trois ans avec régulièrement des remixes ou albums live pour patienter entre temps, mais le rendez-vous est toujours digne de confiance. Non seulement on sait à peu près à quoi va ressembler le disque, mais en plus on sait que ça va être bien. Et ce n'est pas les artworks, systématiquement signés Aidan Hughes (aka BRUTE!) qui vont nous enlever cette impression. C'est donc avec ces certitudes héritées d'une routine solides comme le rock et vieille de plus de 30 ans qu'on attendait Hell Yeah, successeur de Our Time Will Come.
Sans que l'on sache trop pourquoi, et bien que rien ne ressemble plus à un album de KMFDM qu'un autre album de KMFDM, certaines fournées restent meilleures que d'autres, histoire de garder les débats ouverts. Piochons dans l'histoire récente : Hau Ruck, Tohuvabohu et WTF?! étaient bien plus sympathiques que Blitz, KUNST ou Our Time Will Come. La recette a beau être la même, parfois ça ne prend pas pareil. Une question de dosage, de cuisson, ou d'humeur peut-être au moment de l'écoute. Dès ses premières secondes, Hell Yeah et son morceau-titre semble faire partie des bons albums, ceux dont on se souvient. Le groove de KMFDM est imparable, et il y a des faux airs de Megalomaniac dans ce beat rapide et les guitares qui l'accompagnent, nous renvoyant à ce que le groupe sortait dans les années 90. C'est avec Freak Flag que la traditionnelle alternance au chant démarre, Lucia Cifarelli piquant le micro à son Konietzko de mari pour un titre très electro, plus pop que le précédent. On reste dans un ton léger avec Oppression 1/2, interlude dub / indus (oui, oui !) aux paroles pourtant menaçantes, interrompue par les riffs lourds et brutaux de Total State Machine, et son refrain de furieux. KMFDM n'a rien perdu de sa flamme anarchiste et dénonciatrice probablement réanimée par l'élection du fou furieux orange l'an dernier. Toute cette frénésie se calme le temps d'une nouvelle pause dub avant Murder My Heart, autre titre très pop. C'est même plus que pop, c'est carrément la foire à la saucisse : ça fait pouêt-pouêt, et KMFDM s'amuse à nous montrer ce que ça pourrait donner s'ils animaient des après-midi au Club Med. On a le droit de trouver ça pas terrible, mais aussi d'apprécier ce côté totalement décomplexé. Après cette première partie plutôt amusante et, quoi qu'on en dise, souvent surprenante, KMFDM revient en terrains plus familiers dès RIP The System v.2.0, reprenant le refrain du morceau de 1989 sorti sur UAIOE. Peut-être une manière de dire que ce qui les inquiétait il y a presque 30 ans est de nouveau d'actualité ? Le groupe continue sa charge frontale anti-fascisme (franchement dirigée contre le nouveau gouvernement américain) tout au long de morceaux assez prévisibles, desquels on retient un refrain par-ci (Fake News - quand on vous parlait du fou furieux orange...), un solo de guitare par-là (Burning Brain) et des gros beats de bourrins en conclusion (Glam Glits Guts & Gore). Au passage, le groupe nous aura offert un petit clin d'oeil au chef d'oeuvre de Jim Jarmusch avec Only Lovers, forcément mélancolique. C'est propre, carré, accrocheur et efficace à défaut d'être bouleversant.
Et donc ça en fait un de plus ! KMFDM en est à 20 albums, voilà. C'était bien. On en retient surtout quelques idées amusantes et cohérentes avec le second degré qu'affiche le groupe depuis un bon moment, un savoir-faire indéniable pour proposer des gros hits et une volonté brandie à la face du monde de lutter contre le rejet, le fascisme et la stupidité. Bref, du KMFDM quoi. On se donne rendez-vous dans deux ou trois ans pour un copier / coller de cette conclusion ?