Ah ouais, ma mère elle croit que j'vais ranger ma chambre ? Mon père il s'imagine que j'vais me laver les cheveux ? Non, non, les gars, y'a pas moyen : KORN sort un nouvel album, c'est mort ! Parce qu'en toute franchise, qu'est ce qu'on attend de plus de KORN qu'un bon gros plaisir régressif ? Certes, Jonathan Davis répète à qui veut bien l'écouter qu'il aime expérimenter, surprendre, bref, tout ce tralala qu'il nous recycle entre deux "retours aux sources" depuis 15 ans... Ainsi, après un The Paradigm Shift surprenant (mais chiant), voici The Serenity Of Suffering. Et là, on revient au KORN, au "vrai" (comprendre par là celui figé quinze ans dans le passé) : le gosse de Untouchables et See You On The Other Side est de retour sur la pochette (et n'a pas grandi, lui non plus), et les initiales du titre envoient à nouveau un S.O.S ! Ils nous refont le coup de la crise d'adolescence les Californiens ?
On serait tenté de dire qu'en fait, pas tant que ça. En lançant le disque, on se fait cueillir par Insane et son intro super bourrine, qui dérive vers un refrain pop (ils font de la pop, KORN ? Ha ! On rigole bien ici !), et c'est carrément catchy. Un peu comme un mélange de leur précédent album et de Take A Look In The Mirror, entre un KORN du début des années 2000 et leurs travaux plus récents (l'electro en moins). Ça le fait grave, en fait. Même constat sur Rotting In Vain : la prod met bien en valeur les mélodies flippantes de Head et la basse de Fieldy, Davis se permettant même de ressortir son petit scat comme gimmick. Les pisse-vinaigre trouveront qu'on stagne à mort, ou que c'est fatigant de voir ces hommes d'âge mûr revivre leurs tourments de lycéens. Ils ajouteront aussi, un verre de Martini à la main et le monocle bien en place, que la nostalgie ça empêche d'évoluer, que c'est complaisant, que c'est paresseux. Si on prenait le temps d'y réfléchir, on leur donnerait raison. Mais en l'état, on les emmerde. Les onomatopées grognées, et ce son sale et gras flétrissent nos petits neurones aussi efficacement qu'une Smirnoff Ice bue en cachette, et c'est tout ce qu'on demande. Et surtout, avec Black Is The Soul, on arrive à un constat : au chant, Jojo déchire ! Jojo déboîte ! Jonathan dévisse, même (applaudissements, merci) ! Excellent dans tous les registres, il tient peut-être dans cet album ses meilleures lignes de chant, insufflant puissance et émotion, apportant parfois un surplus de noirceur aux atmosphères les plus glauques du disque (The Hating). Au rang des surprises, on note des guitares qui osent tout. Sans que le kilt ne fasse son come-back, on pense par exemple à MUSE période Hysteria dans les riffs de Die Yet Another Night (KORN... MUSE... Vous l'avez ?), alors que ceux de Everything Falls Apart sont d'une lourdeur rare, créant un joli contraste avec le chant de Davis.
Avec ses morceaux accrocheurs, ses ambiances soignées et sa prod qui fait plaisir, The Serenity Of Suffering contient quelques perles. Ça aurait même pu être un des tout meilleurs albums du groupe, si la qualité des premiers morceaux étaient présentes tout le long. Mais faut pas déconner. Même avec un baggy troué, même les cheveux dégueulasses, il faut aussi admettre que parfois, ça tombe à plat. Entre les morceaux niais et poussifs (Take Me), un featuring avec Corey Taylor sympatoche mais qui ne trouve pas son registre (A Different World) et une impression de fourre-tout qui se dégage de l'ensemble, The Serenity of Suffering n'est pas non plus un chef d'oeuvre. Il est plutôt court mais paraît long, ça manque de respirations, et on aurait préféré voir les morceaux bonus de l'édition deluxe prendre la place d'autres pistes (mais virez-moi Take Me, bordel !).
Néanmoins, le job est fait. The Serenity Of Suffering ressemble à un album de KORN du début des années 2000, quelque part entre Issues et Take A Look In The Mirror, avec Head et Munky qui se lâchent de temps en temps à la guitare. La prod suit, le travail est sérieux et sincère, on évite donc un disque aussi naze que le revival en survêt' de Remember Who You Are qui avait bien fait marrer tout le monde. Le fan-service est facile, mais le boulot est honnête et KORN nous offre ce qu'on aime chez eux. On ne va pas trop se plaindre : une bonne moitié de The Serenity Of Suffering devrait tourner un petit moment en boucle avant qu'on ne passe à autre chose.
Chronique | Korn - The Serenity Of Suffering
Pierre Sopor
24 octobre 2016