Chronique | Kugelblitz - Pale Blue Dot

Pierre Sopor 8 avril 2020

Ils sont KUGELBLITZ, les messagers de Kohrnüu, un larron venu conquérir l'espace et le temps (même si wikipedia prétend qu'il s'agit d'un truc en astrophysique tellement chaud et brillant qui crée des trous noirs). Heureusement, ils ne sont que deux : on ne va pas conquérir à la fois l'espace et le temps avec juste deux gus, non ? Et puis quoi encore ? Faire une équipe de water-polo à deux ? Monter un groupe de doom à deux ? Courageux, le duo. Pourtant, Pale Blue Dot est là pour prouver la réussite de l'entreprise. Le temps et l'espace peuvent commencer à transpirer, car KUGELBLITZ arrive avec en ligne de mire nous, ce petit point bleu qui flotte dans l'espace.

Quand on est deux et qu'on se lance dans un projet aussi ambitieux que conquérir l'univers, il faut un plan. Dis Simon, tu veux faire quoi ce soir ? lui demandait, comme d'habitude, Antoine. La même chose que tous les soirs, Antoine : tenter de conquérir le monde. L'un prend une basse à six cordes et chante de sa voix rauque et saturée pendant que l'autre cogne sur sa batterie. Dispositif minimaliste mais ô combien judicieux : on le remarque dès First Among Equals, premier morceau de cet album cosmique. KUGELBLITZ, ça fonctionne du tonnerre !

Le son est d'une lourdeur abyssale (un paradoxe pour cette histoire de conquête spatiale), épais, massif et gras. Et soudain, le rythme décolle : dès le premier morceau, on découvre un metal qui emprunte sa pesanteur au doom, des parties de batterie au black metal et un groove irrésistible qui pourrait être le fruit d'une union salace entre GOJIRA et RAGE AGAINST THE MACHINE qui auraient bouffé du Ziltoïd. Accrocheur et puissant, KUGELBLITZ a exploité au mieux son dispositif pour en tirer la plus grande énergie possible (avec sa batterie cavalière, Cosmic Convultion donne en effet envie de partir conquérir quelques planètes). D'ailleurs, avec cette histoire de prophète de l'espace, il fallait s'attendre à un album qui parte dans des directions parfois perchées : une dimension quasi prog s'empare alors de KUGELBLITZ qui s'amuse à nous perdre dans ses morceaux le temps de parenthèses hallucinées (Muscipula Diaboli qui devient la transition atmosphérique S50014+81 avant de nous emmener vers les cloches d'église et l'ambiance menaçante de l'intro de Kathedraal, morceau de bravoure qui nous fait de nouveau passer par d'infernales parties black utilisées avec parcimonie pour plus d'efficacité). Notons que le dépouillement relatif de l'entreprise apporte un côté primal aux percussions et aux cordes, accentuant leur impact en ne l'émoussant pas sous des tonnes de couches, mais aussi créant un rendu quasi primitif étonnamment pertinent pour cette histoire mystico-spatiale.

Quand l'odyssée galactique s'achève, on en ressort secoué. KUGELBLITZ fait preuve d'une douce folie, aussi bien dans le concept que dans sa transposition musicale, mais aussi d'une réelle justesse dans le choix et l'usage de son dispositif. Une basse, une batterie, un seigneur des ténèbres de l'espace et ça donne un album surprenant, sauvage, rythmé et puissant.