Chronique | Lacrimosa - Lament

Tanz Mitth'Laibach 10 avril 2025

Quand on s'appelle Lacrimosa, publier un album intitulé Lament va un peu de soi. La mécanique est bien huilée, on retrouve l'univers du duo germano-finlandais basé en Suisse pour un quinzième album cette année sur ses thématiques habituelles, qu'on devine fort des orchestrations et des guitares saturées qui ont fait de la formation un pionnier du metal symphonique, habillé comme toujours d'une magnifique illustration signée Stelio Diamantopoulos -on remarque d'emblée que celui-ci s'est surpassé, cette couverture est l'une des plus belles du groupe à ce jour. Cela nous rend d'autant plus enthousiaste que les deux derniers albums Testimonium (chronique) et Leidenschaft (chronique) étaient de bons crus.

Et il faut bien dire que Lament commence sous les meilleurs auspices. Le morceau-titre qui ouvre l'album et Ein Sturm zieht auf ont exactement cette retenue dans la peine qu'on avait aimé dans Testimonium, montrant un Lacrimosa différent qui sait toucher sans avoir besoin d'en faire des tonnes après plus de trente ans de maximalisme musical ; un peu d'électronique, une orchestration progressive, une guitare et une batterie qui ne sont là que pour apporter de la force au fil d'un crescendo construit avec toute la maîtrise dont Tilo Wolff est capable font des merveilles sur les deux morceaux jumeaux, nous emportant dans leur tourment. Plus énergique et dominé par la guitare, Ein langer Weg nous plaît lui aussi par sa légèreté entraînante et douce-amère. Connaissant Lacrimosa, on se doute que tout ne sera pas égal mais on se dit à ce stade que ce disque a du potentiel.

Hélas, le groupe retourne vite à ses vieux démons. Du bist alles was ich will est creux et grandiloquent, Tilo Wolff se lamente dans le vide durant près de six minutes sans que le morceau ne décolle. Beaucoup plus entraînant, Avalon est taillé pour être le tube de l'album, où Lacrimosa sort les grands moyens : roulement de batterie menaçants, réverbération, duo entre Tilo Wolff et Anne Nurmi, refrains fédérateurs qui tombent réglés comme une montre suisse, l'inévitable pont instrumental... Allons bon : nous aussi, on connaît Nightwish période Once mais on préfère l'original, d'autant que ces ficelles ont plus de vingt ans maintenant. L'empilement de clichés du clip qui nous rappelle une fois de plus que Lacrimosa n'a aucun sens du ridicule en la matière n'arrange rien. Mais enfin soyons compréhensifs : c'est un morceau facile à appréhender, il y a un public pour cela et Lacrimosa a sûrement des factures à payer. Dark Is This Night, la traditionnelle ballade chantée en anglais par Anne Nurmi, nous semble quant à elle d'autant plus fade dans ses sonorités et sa mélodie qu'on se rappelle l'excellente Celebrate The Darkness sur Leidenschaft...

Il y a pourtant un morceau qui rattrape ce milieu d'album : Geliebtes Monster. Lent, grave et pesant à souhait, son instrumentation dominée par les instruments d'orchestre et la basse nous rappelle aussitôt les débuts darkwave de Lacrimosa. C'est glauque et même funèbre, c'est le Lacrimosa qu'on aime, c'est la perle de l'album.

Néanmoins, le pire arrive avec le dernier tiers de LamentPunk & Pomerol et In einem anderen Leben sont très exactement le type de chansons qu'on déteste chez le groupe, où la combinaison entre la rapidité incisive mais guère originale des guitares et un son apprêté avec la plus grande coquetterie donne un résultat épouvantable, qui sonne faux de part en part. Et lorsque l'on quitte l'album sur Memoria, c'est avec l'impression d'un mélange réchauffé des sonorités et des mélodies habituelles du groupe.

Lament figure donc plutôt parmi les parutions les moins inspirées de Lacrimosa. On n'en tient pas excessivement rigueur au duo : premièrement parce qu'on a l'habitude qu'il soit inégal, deuxièmement parce que comme toujours avec lui, il y a des titres que l'on a beaucoup aimé, Geliebtes Monster en tête. Une mécanique bien huilée, disions-nous.