A l'image de sa musique, Larsovitch semble lancé à toute allure : depuis un premier EP sorti fin 2023 puis ressorti au printemps 2024, l'artiste montpelliérain multiplie les concerts et revient régulièrement squatter l'actu avec de nouveaux clips... et enfin (déjà !) un second EP, Normal'No. Comme poussé par un feu intérieur avide, Larsovitch ne se retourne pas, sauf quand il est question de ressusciter quelques fantômes 80's pour mieux les secouer et les moderniser.
En optant pour le français, Larsovitch donne probablement bien involontairement à Légions Perdues un côté hymnique alors que l'on retrouve avec plaisir ce minimalisme mordant, cette démarche radicale à la fois affranchie et sous influence (Larsovitch a le regard tourné vers ce qui se passe en darkwave du côté de la Grèce, de la Turquie ou de la Russie). Le texte scandé interpelle, il s'en dégage une rage, une urgence qui réchauffe le son glacial de ses flammes, une sensibilité vive qui gifle l'austérité urbaine. Larsovitch fédère mais on sent bien que le ton est à la méfiance envers les meneurs, les beaux parleurs et l'artiste ne fait rien pour nous caresser dans le sens du poil, esquivant toute étiquette que l'on voudrait lui coller.
Au milieu des assauts au vitriol, Normal'No est hanté par une mélancolie pluvieuse, omniprésente mais particulièrement explicite le temps de Bonne Nuit avant de se muer en amertume palpable avec Kryos Aeras. En découvrant le premier EP ΣΥΝΘ, on s'était peut-être trompés. L'attitude de tête brulée de Larsovitch, sa tendance à nous bousculer tient plus d'une démarche viscérale et possédée que de la posture insolente réjouissante : Normal'No ne laisse pas franchement de place à la rigolade. Son intensité fiévreuse prend alors des airs de course pour la survie, la survie de tous ceux qui ne rentrent pas dans la "norme", ces "étrangers" au sens large. Le ton s'assombrit sur le morceau-titre quand la rythmique ralentit et qu'un climat de révolte pré-apocalyptique s'installe, porté par des basses futuristes hypnotiques. On n'a pas l'impression que Larsovitch s'économise et pourtant la tension de ce second EP semble maîtrisée pour mieux laisser exploser son final Xenomorfos, nouvel hymne furieux à l'agressivité punk et au propos explicite contre la xénophobie des fâcheux étriqués.
Dans la sécheresse apparente de ses influences EBM / techno rentre-dedans et sans fioriture, Larsovitch n'est pas étriqué, lui. Mélange de références, d'époques, de cultures et de langues, il s'agit d'un monstre à la fois vindicatif, écorché et viscéralement sincère, aux danses cathartiques enragées et poussées par l'énergie du désespoir. Un truc sans compromis, qui claque, qui fait transpirer, mais le fait avec âme, les machines recouvertes de tripes.