Avec son premier EP paru dans un premier temps fin 2023 puis ressorti début 2024 avec un morceau supplémentaire, Larsovitch brandit ses influences : il y a tout d'abord l'anachronisme d'un artwork qui se prête bien à une édition cassette et un titre, ΣΥΝΘ (synthé) qui cultive également le décalage linguistique... tout en faisant peu de mystères des goûts de Théo, l'artiste Montpelliérain derrière le projet. Les clés sont données : il aime les synthétiseurs, l'analogique et les artistes des scènes darkwave grecques et russes (on peut penser, en vrac, à Selofan, Molchat Doma ou Ploho).
Il y a dans ce premier EP, en plus du minimalisme et de la froideur des références évoquées plus haut, une humanité étrangement organique qui s'impose dans cet univers électronique dès Konputa où la réverbération et le chant grave réussissent à convoquer une certaine mélancolie propre à la cold wave avant que les sonorités chiptunes de Moy Stakan n'allègent l'ambiance. On apprécie l'épaisseur apportée à la boite à rythme par la guitare de Καρδιές mais aussi sa folie grinçante, presque deathrock. La démarche rétro-futuriste ludique de Larsovitch n'empêche pas la tension, notamment le temps du single Skasé, rageur, qui pique au post-punk son sentiment d'urgence et à l'EBM ses rythmiques physiques qui font suer.
Il y a pourtant aussi un autre décalage qui se crée, avec cette musique qui surjoue les codes un brin désuets et son énergie à la fois communicative et festive : on devine souvent une forme d'amusement respectueux au milieu de textes pourtant enragés et contemporains. Larsovitch respecte les codes mais ne rechigne pas à jouer un peu avec et à laisser le fun s'incruster, à l'image de la dernière partie de Dogoz avec son autotune blindée de réverbération et sa parenthèse rave minimaliste en 8 bits qui contraste avec le reste du morceau plus hargneux. A quel moment l'hommage se mue en pastiche ? On vous laisse débattre et, à vrai dire, on s'en fout un peu : ça fonctionne très bien comme ça, comme l'étrange hymne Béton Armé, ajout à la tracklist justifiant la ressortie de l'EP, pas loin des morceaux les plus darkwave de Daisy Mortem, autres adeptes du grand écart acrobatique entre moue blasée de rigueur, démarche sincère, et décalage intersidéral. Figurez-vous qu'en 2024, on a le droit de secouer les goths tout en triturant son autotune... et si c'était en fait interdit, eh bien tant pis.
Au final, c'est là où l'EP fait mouche, avec son approche est assumée qui ne tient jamais de la posture factice. Il y a suffisamment d'émotions brutes et de tripes là-dedans pour y croire et y adhérer. Le feu qui anime le musicien réchauffe ses machines, son attitude de sale gosse affranchi des règles assure une certaine modernité malgré le poids de la nostalgie mais aussi, et surtout, donne à Larsovitch ce côté jouissif un peu méchant. La sécheresse glaciale de la boite à rythmes et des synthés n'empêchent pas d'avoir un sacré mordant : Larsovitch fouette les sangs avec vigueur et impose sa personnalité. C'est aussi cool qu'étonnamment subtil dans ses déséquilibres.