Les Tambours de Bronx se réinventaient en 2018 en ajoutant au concept d'origine (une quinzaine de bonshommes cognant sur des bidons) batterie, chants, claviers et guitares pour devenir un "vrai" groupe de metal de pas loin de vingt musiciens. Evilution est le second album du groupe sous cette forme avec une team stabilisée autour des mêmes musiciens "additionnels" (Reuno Wangermez de Lofofora, Stef Buriez de Loudblast et Sinsaenum et Renato Di Folco de Dropdead Chaos et Trepalium au chant, l'ex-Dagoba Franky Costanza à la batterie et Arco Trauma de Sonic Area et Chrysalide aux claviers).
Avec ses percussions martelées, ce détournement d'un objet purement industriel pour en faire un instrument de musique, les Tambours du Bronx avaient déjà en eux cette touche indus. Tout semble amplifié avec Evilution, dont la recette est finalement la même que W.O.M.P. : ça cogne, ça groove, les textes sont mordants et rarement optimistes. Le Début de la Fin plante le décor, quasi apocalyptique, sous la narration de Reuno toujours entre élégance et rage explosive. Le rythme est rapide, l'électronique mise en avant nous rappelle la délicatesse des ambiances futuristes poétiques et hantées de Sonic Area, la tension est déjà à son comble et, bien sûr, les tambours mènent la danse. De manière générale, Evilution fait mieux en tout point que son prédécesseur : plus efficace avec ses refrains mémorables (Ghosts) et ses riffs poids lourd de la mort (Razorback), on apprécie aussi sa durée plus ramassée. L'ensemble est condensé, nerveux, explosif.
Si l'on regrette toujours un peu que Les Tambours du Bronx ne se risquent pas un peu plus à des choses plus atmosphériques, on est ravis de trouver une piste instrumentale haletante (Double Devils) mais aussi quelques petits pas de côté. Reuno, toujours lui, se la joue crooner / bonimenteur sur l'intro théâtrale de Child of Sin et on se dit que ça pourrait presque virer à un numéro de cabaret metal indus, U Lost sent la santiag et le soleil avec son petit côté desert rock, auquel les percussions viennent ajouter une grosse dose de menace industrielle. Denials nous laisse entrevoir une facette plus lourde encore, plus noire, plus lente et au rendu massif impressionnant. Côté chant, le casting est à double tranchant : certes, les trois lascars sont complémentaires, garantissent l'unité de l'ensemble et livrent une prestation à la fois entêtante et conquérante, mais on aurait été curieux d'entendre une voix radicalement différentes, un registre qui sortirait du rugueux belliqueux à cet ensemble qui fleure bon la mâchoire serrée, la sueur et la testostérone (ce n'est évidemment pas Andreas Kisser qui apportera de la délicatesse). Néanmoins, côté texture du son, ça le fait grave : c'est à la fois sauvage et puissant, sale et percutant, avec un petit parfum de révolte et de fin du monde toujours plaisant.
Généreux et irrésistible, Evilution est le second album idéal : dans la continuité de son prédécesseur, il l'améliore en tout point. Collection de morceaux forts, l'album défile à toute allure, emportant tout sur son passage et évitant le piège du trop plein de W.O.M.P. Avec la puissance apportée par ses percussions, Les Tambours du Bronx ont, de toute façon, un son déjà unique, monumental et fort en puissance dramatique, immédiatement évocateur. On attend désormais de voir si à l'avenir l'ambition de cette troupe sera de continuer à nous décoiffer et faire remuer des nuques ou si le projet pourrait trouver un moyen de concilier sa forme actuelle tout en voguant occasionnellement vers des horizons plus expérimentaux, renouant avec un passé pas si vieux (Corros ne date que de 2015). On adorerait voir ça !