Tout au long de la décennie précente, nous n'avons jamais oublié le passage-éclair de LINEA ASPERA. Le duo britannique formé de la chanteuse Alison Lewis alias ZOÈ ZANIAS et du claviériste Ryan Ambridge avait sorti en 2012 un unique album simplement intitulé Linea Aspera LP et... ce fut tout, les deux protagonistes se séparaient déjà pour poursuivre leurs carrières chacun de leur côté, seule la compilation Preservation Bias réalisée par leur label venant compléter le tableau de quelques chansons oubliées. Mais impossible d'effacer de notre mémoire depuis les bijoux d'électronique glaciale de ce groupe éphémère ! Alors, forcément, lorsque le duo se reforme et sort cette année un nouvel album, baptisé tout aussi sommairement que le précédent LP II, on se jette dessus.
Et on ne le regrette pas. Le premier morceau Solar Flare nous entraîne ailleurs aussitôt l'album lancé, au rythme de boucles irrésistibles, suivant les nappes qui nous emmènent jusque dans l'espace pour admirer le soleil, écoutant le chant entre adoration et tristesse de ZANIAS ; l'album ne pouvait commencer sous de meilleures auspices ! Et, même si ce premier morceau est assurément l'un des meilleurs, cette maîtrise ne se démentira pas du début à la fin de LP II : l'album ne perd jamais son rythme ni ses belles atmosphères à la fois froides et oniriques, servant à merveille les paroles de ZANIAS où les phénomènes étudiés par la physique font écho aux sentiments humains. La chanteuse a déclaré que ce second album était plus abouti, servi par l'expérience acquise par le duo depuis le précédent, et on comprend ce qu'elle veut dire : en effet, l'album est d'une certaine façon plus riche sur le plan des sonorités que son prédécesseur et il est impeccablement construit.
Alors, carton plein pour ce deuxième album de LINEA ASPERA ? En fait, pas vraiment -ou du moins, on peut avoir quelques regrets. Car il manque tout de même quelque chose par rapport aux précédents travaux (Preservation Bias compris) : on ne retrouve plus ces moments de solitude sidérale et désespérante où la voix de ZANIAS nous touchait tant tandis que le synthétiseur de Ryan Ambridge laissait s'instaurer un vide angoissant comme sur Synapse, ni les sombres impulsions d'un Attica, par exemple ; les structures nous surprennent moins, les morceaux sont soigneusement construits mais plus lisses. On les écoute avec fascination mais sans les émotions plus inquiétantes d'autrefois. Il faut croire que telle n'est plus l'humeur du groupe. Cela rend LP II moins original que son prédécesseur : on s'approche parfois, par exemple, des morceaux les moins industriels de KIRLIAN CAMERA.
C'est que le premier album avait mis la barre très haut, mais ce n'est évidemment pas une raison pour bouder notre plaisir ! LP II a ses propres qualités, on se replonge avec plaisir dans son univers paradoxal où le chant et le rythme donnent vie même aux sonorités les plus froides, et ce d'autant que certains morceaux sont imparables -c'est le cas de Solar Flare déjà cité, d'Equilibrium qui est le plus dansant, de Decoherence où le chant nous surprend davantage. Tant pis si Linea Aspera LP restera unique, on est heureux que le LINEA ASPERA soit revenu nous offrir cela.