Mine de rien, cela fait désormais un bout de temps que LOKI LONESTAR, figure atypique et incontournable de l'underground hexagonal, traîne sa silhouette et son âme de projets en projets. Ces deux dernières années ont été relativement silencieuses de son côté : on n'en avait plus l'habitude, lui qui bondit d'un concert à un autre, d'un side-project au suivant (il préfère probablement l'idée d'une famille musicale mouvante que d'un groupe figé) au point, parfois, de nous perdre en route et d'abandonner quelques idées prometteuses avant même qu'elles aient pu murir entièrement. Ces derniers temps, il se consacrait à LADY LA FÉE, un "cabaret interactif" Réunionnais décalé aux humeurs bien trop positives pour nos pages, mais le revoilà aux affaires sous son nom, associé à GROSSO GADGETTO.
Est-ce que ces deux années de calme apparent et leur contexte mondial si particulier ont joué sur l'humeur de l'artiste ? Est-ce que ses gentilles performances avec LADY LA FÉE ne lui permettaient pas de pleinement faire jaillir toute sa rage et son énergie ? A moins que ça ne soit l'influence de GROSSO GADGETTO ? Toujours est-il que jamais Loki Lonestar n'a sonné si lourd, si agressif, si metal, si méchant. Basse épaisse, rythmes frénétiques, riffs assassins, miaulements menaçants et vociférations possédées : D.S.T. déboule à toute allure. On pourrait toujours revenir sur le talent de cet énergumène, impossible à dompter ou à canaliser, ce qui est parfois à double-tranchant : bête de scène, Loki Lonestar n'est jamais aussi bon que quand il est accompagné de musiciens capables de lui apporter cohésion, cohérence et dynamique collective. Ici, il s'appuie sur un compositeur unique et cela permet à l'EP ne de pas s'éparpiller entre les genres et les tonalités, tant mieux... Loki, on le sait facétieux, mais c'est dans les ombres qu'on le préfère. Métaphore, où les ambiances lugubres se font atomiser par des riffs impitoyables, est particulièrement convaincante. Les morceaux s'orientent vers des contrées industrielles et bruitistes moins accessibles, moins calibrés comme des singles potentiels, ce qui est une évolution également appréciable. Loki ne se répète pas et évite le piège des morceaux-blagues un peu faciles pour nous plonger au cœur d'une tempête chaotique de sons et d'émotions. La danse a muté en transe, et si sa mélancolie s'exprime encore parfois (Stoner), l'EP est chargé d'une négativité et d'une hargne rare chez cet artiste, une facette que l'on (re)découvre avec plaisir.
D.S.T. porte bien son nom : la soif de destruction est palpable, les deux musiciens ne retiennent pas leurs coups et les quatre titres qui composent l'EP font l'effet d'une belle secousse. On attend désormais de voir si l'expérience est ponctuelle ou augure d'une nouvelle orientation pour Loki Lonestar, tout en se disant à nouveau que ce type-là, avec un cadre défini (mais pas trop rigide, hein, les bêtes sauvages ça ne s'enferme pas), une production de qualité et du temps pour peaufiner son boulot pourrait vraiment faire exploser tout son potentiel. D.S.T. est en tout cas un pas dans la bonne direction !