La bête s'est éveillée... Vous voyez votre tête au réveil ? Alors imaginez les dégâts quand c'est une tornade polymorphe comme ce bougre de Loki Lonestar que l'on arrache à ses rêveries ! L'artiste est de retour avec un EP réalisé en collaboration avec son fidèle complice Grosso Gadgetto. Ensemble, les deux signaient déjà le solide et mordant D.S.T. il y a deux ans.
Retourné vivre à la Réunion, Loki Lonestar ne secoue plus comme autrefois les clubs des sous-sols parisiens mais cela ne veut pas dire qu'il s'est calmé : en plus de ses habituelles facéties, il officie depuis quelques temps dans un tribute band de Rage Against the Machine et réactivait l'an dernier son bien aimé groupe des années 2000, Nutcase, le temps de deux morceaux. Toujours hyperactif, toujours ce même besoin de s'exprimer de manières multiples, de toucher à tout, une énergie dévorante qui se retrouve dans ce nouvel EP, Jack Error, et sa généreuse durée de six titres.
On l'a déjà dit par le passé : on connaît Loki comme amuseur facétieux, on le connaît comme artiste tourmenté, on le connaît monstre rageur... et c'est finalement quand il laisse au placard son sourire qu'on le préfère, quand sa méchanceté et sa mélancolie jaillissent. Tant mieux : Jack Error ne rigole pas. Soutenu par Grosso Gadgetto et son goût pour la lourdeur, les gros riffs metal indus et les influences électroniques variées, son nouvel assaut a pour thème le harcèlement en ligne. Avec son amertume et son esthétique sonore à la fois paniquée et futuriste, héritant du metal industriel des années 90 pour gratter là où ça démange, Jack Error renoue à la fois avec une expression viscérale et un goût pour l'expérimentation qui font plaisir à entendre.
Loki rugit, Loki vocifère, Loki minaude : de la théâtrale Random... Rewind... Repeat et sa montée en intensité à un final plus hanté avec A journey Through... et Stop it Now, puissante conclusion à la pesanteur funèbre qui nous rappelle parfois l'impact émotionnel de Nutcase dans la souffrance déchirante qu'il véhicule, en passant par la lourdeur mécanique de My Name is Jack ou le texte hargneux scandé en français sur Fuite en Avant, Loki y met ses tripes, son cœur mais aussi son talent si spécial pour incarner, pour donner vie, pour effrayer, pour émouvoir.
Derrière les formules accrocheuses et les assauts frontaux, il y a aussi des petites trouvailles, ces touches atmosphériques, ces petites choses anxiogènes qui donnent à Jack Error son parfum cyber-horrifique (Spiders on the Web ou A Journey Through et ses guitares lointaines qui pourraient sortir de The Downward Spiral) et, finalement, son âme. Là encore, l'association de Loki Lonestar et Grosso Gadgetto accouche d'une œuvre aboutie à laquelle les deux artistes ont su donner l'épaisseur suffisante pour capter notre attention et la maintenir où Loki mélange comme il sait si bien le faire intime et grandiloquent. Peut-être sommes nous sadiques et bien que l'on souhaite tout le meilleur à ces deux-là, c'est finalement dans la souffrance qu'ils sont au firmament, créatures brisées si authentiques et touchantes.