On les avait laissés il y a deux ans avec un album concept futuriste et dystopique, on les retrouve avec Thornstar, un double-album conséquent (vingt titres, quand même). Après avoir exploré le futur avec Empyrean, les allemands de LORD OF THE LOST se plongent donc vers le passé sur cet album qui nous parle d'une ancienne civilisation perdue, les Pangaeians. Entre-temps, le groupe a également sorti un deuxième album orchestral et changé de label, quittant Out of Line pour rejoindre le très respectable label Napalm Records, un changement qui, on s'en doute, ne devrait pas calmer les ardeurs plus metal qu'on pouvait observer chez eux depuis quelques années.
Fidèles à eux-mêmes, les LORD OF THE LOST ont soigné le packaging. Au-delà d'un artwork des plus réussis et de clips vidéos toujours très travaillés, l'univers de Thornstar bénéficie d'une réelle attention. Le groupe vous propose d'ailleurs de télécharger un pdf (en plusieurs langues) qui revient plus en détails sur l'histoire racontée. Il y est donc question d'une civilisation européenne disparue vieille de 10000 ans dont l'existence serait discutée par les historiens et qui aurait influencé les civilisations suivantes. On peut apprécier l'histoire qui nous est racontée et la mise en place de cette mythologie qui, à l'image de la musique de LORD OF THE LOST d'ailleurs, va se nourrir d'influences variées pour prendre corps. Au centre de cet univers, il y a les divinités Morgana et Haythor, représentant la lumière et l'ombre, amants à l'origine de la vie et qui finissent par fusionner à la fin des temps pour devenir le Thornstar qui donne son nom à l'album.
Musicalement, ça commence fort avec On This Rock I Will Build My Church. Le son est lourd, accrocheur, le refrain reste en tête pour la journée : si effectivement l'album se construit sur de telles fondations, ça devrait le faire. Ne soyons pas trop naïfs cependant : il est presque impossible pour un groupe d'avoir une telle productivité et sortir vingt morceaux de qualité constante. Fatalement, on se retrouve très vite dans une routine et une facilité qui aurait peut-être pu être évités avec un disque plus resserré, ou un format aussi long mieux maîtrisé. C'est le piège quand on veut raconter une histoire de manière exhaustive, et Thornstar regorge de titres qui ne se démarquent pas plus que ça sur lesquels le chanteur Chris Harms assure le show de sa voix grave de séducteur sombre-mais-romantique qui suffit à faire fondre une horde de fans déjà acquis de toute façon. Sirupeuse, la musique proposée l'est assurément. Il ne faut en effet pas être trop exigeant pour apprécier l'agaçante mièvrerie de In Darkness In Light, par exemple, ou au contraire la facilité bourrine des riffs et du chant de Ruins et Lily of the Vale. Inévitablement, à trop étudier la pose, on finit par manquer de spontanéité et le groupe donne parfois l'impression de se perdre dans la contemplation de son propre nombril.
Pourtant, un rapide tri aurait permis à LORD OF THE LOST de réduire ces vingt titres à une grosse douzaine, et dans ces conditions on aurait bien plus apprécier les richesses de Thornstar et ce qu'il a à offrir. Une fois déridé, on peut trouver les accents pop de Cut Me Out ou du refrain de Voodoo Doll assez plaisants, la théâtralité de l'intro de Naxxar convaincante et efficace pour évoquer des choses aussi ténébreuse que ce demi-dieu chargé de transporter les défunts vers leur nouveau royaume, apprécier les lignes de chant de Haythor, ce violon en intro de Black Halo, la rugosité de The Art of Love... Bref, l'album ne manque pas de belles choses à apprécier. Le groupe aurait-il péché par complaisance et manque de recul par rapport à son propre travail ? Allez, on va dire que c'est surtout une belle preuve de générosité que d'offrir aux fans ces vingt morceaux. Dans tout ça, on ne sait d'ailleurs pas trop quoi faire de Abracadabra, sur laquelle Dero Goi de OOMPH! vient donner de la voix. Ce n'est pas la première fois que LORD OF THE LOST pond un morceau plus fun fait pour se dandiner sombrement (sur le dernier, c'était Doomsday Disco). Voilà, ça fait pouêt-pouêt, ça tient sur quatre notes, ça beugle un peu à la fin, ça dure moins de quatre minutes, ça apporte une respiration à cet album bien trop sérieux qui avait besoin de péter un coup, mais on ne sait pas trop si cette surdose de kitch est géniale ou ridicule. Dans le doute, on dit merci et on la passe en boucle quand personne ne regarde.
Quand on en prend des éléments séparément, Thornstar regorge de détails intéressants, de chouettes idées qui fonctionnent bien. Malheureusement, le mélange rock-metal-gothique-industriel-romantique du groupe a tendance à se diluer dans un océan d'excès : trop de théâtralité finit par nuire à la sincérité des sentiments exprimés et une trop longue durée à la construction pas forcément bien maîtrisée est fatale aussi bien à l'attention de l'auditeur, lassé par les répétitions, qu'à la pertinence de l'oeuvre. Dommage parce que si l'on passe outre ces défauts, LORD OF THE LOST prouve encore une fois son savoir-faire certain quand il s'agit de pondre des titres plutôt solides à la pelle. L'emballage est élégant, le background est riche et vient nourrir une musique qui aurait par contre peut-être mérité un peu plus de remise en question de la part du groupe pour nous épargner certains élans frôlant l'insipide. Thornstar reste un beau cadeau pour les fans doublé d'une intéressante proposition d'univers, mais, comme souvent avec LORD OF THE LOST, on se prend à regretter que le fond ne semble pas toujours profiter du même travail que la forme. C'est frustrant, car Thornstar est un album plutôt plaisant mais il y avait clairement là le potentiel de sortir un ensemble autrement plus passionnant.