Alors comme ça, MARILYN MANSON n'est plus rentable et se fait virer d'Interscope suite aux ventes décevantes de The High End of Low ? L'occasion pour l'icône vieillissante de se trouver un nouveau label, et peut-être d'accomplir sa renaissance artistique. Roi des effets d'annonce, il a d'ailleurs mis en avant la liberté dont il a enfin pu profiter en signant chez Cooking Vinyl.
Et c'est bien cette impression qui se dégage du début de Born Villain. Avec Hey Cruel World on retrouve chez Manson une menace plus entendue depuis des lustres. Adieu le rock ultra-balisé du précédent album, re-bonjour les sonorités plus industrielles bien méchantes et les riffs qui tuent. Manson nous crache sa rage au visage et c'est appréciable. Hélas, on est aussi fixé d'emblée sur le chant : dans la lignée de ce qu'il fait depuis Eat Me Drink Me, Manson n'a plus franchement la voix qui le caractérisait par le passé et semble souvent en difficulté. Il est plus à l'aise quand le chant s'approche des spoken-words, heureusement très présents sur l'album, comme au début de No Reflection, par exemple. Premier single, il remplit parfaitement son rôle de morceau efficace, à la rythmique typiquement Mansonienne. Assez anecdotique, il reste bien plus enthousiasmant que les singles des précédents albums, ce MARILYN MANSON là semble avoir retrouvé ses couleurs : le noir et le noir foncé. Dommage que Pistol Whipped gâche un poil l'ambiance, car si elle est agréable à écouter quelques secondes, son minimalisme et sa répétition la rendent surtout lassante. Bien plus puissante sur l'album que dans la vidéo réalisée par Shia Labeouf, Overneath The Path of Misery est un des moments forts de l'album. Direct et accrocheur, il symbolise le début de cet album : plus mordant, plus simple, plus modeste et rageur que par le passé, le Manson de Born Villain est plus proche de celui qu'on aime que de Franz Ferdinand. En alliant MacBeth de Shakespeare, qu'il cite en début de morceau, au film Rubber de Quentin Dupieux (le "No Reason" répété), Manson nous parle de non-sens et d'absurdité d'une manière bien moins drôle que dans le très dada The Golden Age of Grotesque. Cependant, tout n'est pas parfait. Que cela soit voulu ou non, on pense souvent à d'autres morceaux plus anciens provenant d'autres albums (principalement Mechanical Animals et Antichrist Superstar) dont certains éléments semblent resurgir régulièrement.
Comme souvent chez MARILYN MANSON, on a une impression continue d'avoir déjà entendu telle ou telle chose ailleurs. La faute peut être à un line-up réduit : sans le talent musical de Trent Reznor, John 5 ou Tim Sköld derrière, et avec une production pas aussi monstrueuse que sur The Golden Age of Grotesque, Born Villain a du mal à capter notre attention sur la durée. Et avec Slo-Mo-Tion qui ralentit la cadence, puis The Gardener franchement dispensable, on perd un peu le fil. Pas que l'ennui s'installe, chaque piste prise individuellement s'écoute avec plaisir (particulièrement The Flowers of Evil), mais à force de faire dans la simplicité, Born Villain est difficilement digeste d'une traite. Il faudra aller jusqu'à Murderers Are Getting Prettier Everyday pour se réveiller en sursaut avec la piste la plus violente qu'on ait entendu chez Manson depuis au moins dix ans. Et malgré une guitare sentant très fort le déjà-entendu, la très calme Born Villain réussit là où Breaking The Same Old Ground se plante un peu : nous surprendre et être diablement accrocheuse. Le reste est anecdotique : la reprise de You're So Vain n'a d'autres intérêts que de raviver une vieille querelle dépassée en envoyant une énième pique à NINE INCH NAILS (via la référence à leur chanson Starfuckers, Inc, dédiée à Manson et d'autres), et de faire parler la presse people en invitant Johnny Depp à la guitare. Quant à la version radio de No Reflection, on dira juste qu'elle permet à l'album d'avoir 15 pistes, histoire de coller au chiffre fétiche du Monsieur-à-la-lentille.
Au final, que ce soit voulu ou non, les qualités de Born Villain sont aussi ses limites. En cherchant à se réinventer, MARILYN MANSON laisse de coté la facilité de se reposer sur ses acquis et revient à quelque chose de bien plus modeste techniquement, plus direct. Mais cette simplicité tend parfois vers la pauvreté (la boite à rythme, les soli dispensables, la production moyenne, etc) et l'on a parfois plus l'impression d'être face à un premier album plus qu'un huit ou neuvième. Un retour à la case départ visiblement, pour un artiste qui semble ne plus vouloir s'encombrer des artifices et de la mégalomanie qui l'ont caractérisé. Il souhaite agir à nouveau les mains libres, avec un plaisir apparemment retrouvé (on avait pu le constater sur scène à la fin de la tournée de 2009). Et malgré ses petits défauts, Born Villain est ce que Manson a fait de plus enthousiasmant depuis The Golden Age of Grotesque, la remise en question qu'on attendait, et on espère l'annonce d'un futur placé de nouveau sous le signe de l'inspiration et de la spontanéité.