A chaque nouvel album de MARILYN MANSON, c'est le même cirque : certains parlent d'un retour messianique et d'autres pointent du doigt une agonie qui dure depuis une bonne dizaine d'années. Born Villain, malgré ses maladresses, avait apporté un vent de fraîcheur, une spontanéité qui semblait pourtant s'être perdue quelque part, entre les concert bâclés et paresseux et une aura totalement disparue.
Et voilà que Manson semble revivre avec The Pale Emperor : contrairement à son prédécesseur, la personne chargée de l'artwork a appris à se servir de photoshop, et déjà, ça fait moins cheap. Bien plus important, Manson a recruté un guitariste solide en la personne de Tyler Bates, habitué aux bandes-son de film. Et après Shakespeare et l'absurde servant de fond au précédent album, Manson semble vouloir donner une cohérence et une âme à son disque, qui est annoncé comme "blues" et au fond "biblique". Mazette, ça donne l'eau à la bouche. Et à l'écoute, The Pale Emperor semble tenir ses promesses : si Killing Stranger est peut-être trop longue, elle plante pourtant l'ambiance, sobre, presque minimaliste, on n'est pas là pour rigoler. Et la prod est impeccable. Clairement, y'a du boulot, quel dommage que Deep Six, le single bateau vienne tout gâcher : pas que le morceau soit mauvais en soit, son intro évoque Silent Hill et la guitare de Tyler Bates est particulièrement efficace, mais il dénote par rapport au reste d'un disque qui aurait mérité un autre titre pour assurer la promo. Surtout que le clip est immonde. Mais passons, Third Day Of A Seven Day Binge est ce que Manson a fait de mieux depuis un paquet d'années et est un condensé de tout ce qui peut fonctionner avec lui : un chant maîtrisé, une mélodie accrocheuse, des airs de NICK CAVE dans les claps qui rythment le morceau, c'est propre, inspiré et élégant. Autre grand moment, Warship My Wreck atteint des pics d'intensité émotionnelle que l'on n’espérait plus. On en est à la moitié de l'album, et malgré la sympathique mais très convenue Mephistopheles of Los Angeles, The Pale Emperor nous réconcilie (presque) sans réserves : Manson ne recycle pas (trop) ses éternels gimmicks, il a le bon goût de ne pas faire n'importe quoi avec sa voix, les compositions sont bonnes. Sauf que quelque chose se casse en route. Peut-être que l'ordre des morceaux sur le disque, mais après Warship My Wreck, difficile d'accrocher à des pistes oubliables comme The Devil Beneath My Feet qui viennent clairement boucher les trous, et où l'on retrouve le Manson en mode automatique, sans réelle envie, celui qui applique des formules pourtant périmées. Pire, il nous refait le coup d'en faire des caisses avec une voix qui ne suit pourtant plus, alors que la sobriété lui redonnait toute l'aura après laquelle le pauvre homme court depuis si longtemps. Cupid Carries A Gun dégageait quelque chose de bien plus puissant dans sa version courte, pour le générique de la série Salem. Le rythme plus lent de Birds of Hell Awaiting n'est pourtant pas inintéressant, et Odds of Even conclue l'album sur une note étrange et mélancolique bienvenue, si l'on oublie trois remixes oubliables.
Difficile, au final, de trancher : d'un coté MARILYN MANSON a réussit son coup et semble s'être racheté une crédibilité artistique, mais on peut encore et toujours lui reprocher, encore et toujours, l'inégalité de l'ensemble. Cependant, l'artiste semble d'être retrouvé, et The Pale Emperor contient ce qu'il faut de promesses et de voies à suivre pour être, enfin, un renouveau créatif. Du moins, on l'espère.