ME AND THAT MAN, le projet dans lequel Adam "Nergal" Draski se la joue western avec ses copains pour se détendre au coin du feu quand il ne blasphème pas avec BEHEMOTH, est de retour. On l'avait compris à la pochette mais le titre enfonce le clou : New Man, New Songs, Same Shit, Vol 2 reprend le principe de son prédécesseur en nous offrant une nouvelle fournée de collaborations avec la galaxie du metal en général, venuE se la jouer bad hombre le temps d'un titre.
Ici, l'ambiance paraît cependant plus pesante que dans le précédent volet, peut-être à cause de la tonalité funèbre qui stagne sur les morceaux dès Black Hearse Cadillac, interprétée par HANK VON HELL malheureusement décédé le jour de la sortie de l'album, ce qui donne au morceau une résonance toute particulière... Tout le monde y roule des mécaniques, personne n'est venu faire le mariole, ça sent la sueur et le mollard dans la poussière. La qualité d'une oeuvre chorale dépend beaucoup de son casting et là encore, Nergal régale. On retrouve de vieux briscards venus du heavy (Blaze Baylay), des grands méchants issus des scènes extrêmes (David Vincent de MORBID ANGEL qui se la joue crooner, Abbath...) et plusieurs générations d'artistes (Devin Townsend, Tobias Forge sous le pseudonyme Mary Goore, Amalie Brunn, Randy Blythe...). On regrette peut-être néanmoins une certaine uniformité : à se limiter au metal, malgré l'éclectisme des sous-genres, on loupe peut-être de petits miracles à l'image de ce duo avec Jérôme Reuter de ROME et son timbre sépulcral sur le volume précédent. On aurait adoré voir Nergal s'éloigner de son microcosme pour piocher dans la scène gothique, par exemple.
L'intérêt majeur de l'album réside bien sûr dans notre envie d'entendre tous ces gens s'essayer à un genre différent et nous surprendre (Alyssa White-Gluz, bien loin d'ARCH ENEMY, est particulièrement convaincante sur Goodbye). On peut cependant regretter par exemple qu'Amalie Brunn (MYRKUR) et sa présence toujours éthérée qui apporte à l'album une dose de légèreté, n'ait pas choisi elle aussi de s'éloigner de ses terrains habituels, imaginez le résultat si elle avait joué les dures ! Avec ses percussions à la lenteur sentencieuse et la mélancolie générale qui se dégage du blues, New Man, New Songs, Same Shit, Vol 2 lie avec une certaine élégance chacun de ses musiciens aux origines du rock, et donc du metal. L'hommage est touchant et embrasse dans sa globalité une espèce d'Amérique fantasmée (souvent par des artistes européens, d'ailleurs) faite de road-trips, de saloons, de liberté et de whisky au travers de morceaux évocateurs (Under the Spell, Witches Don't Fall in Love ou encore Blues & Cocaïne jouent particulièrement bien de cette imagerie héritée du cinéma et de la pop culture en général, dont l'apparente décontraction ne suffit pas à masquer les sombres recoins).
Hélas, le concept se heurte aussi à ses limites : cette accumulation de voix et de visages qui se succèdent pour jouer aux cowboys le temps d'un morceau finit par ressembler à un étalage du carnet d'adresses de Nergal et une impression de répétition s'installe. Le sentiment aussi que tout cela n'est, au final, qu'une récréation temporaire pour ces artistes peut déranger : difficile de croire que cette enfilade de sympathiques invités venus jouer leur numéro à tour de rôle (à nouveau largement dominés par des mecs, hélas) résulte d'un besoin vital d'exprimer quelque chose de profondément enfoui en chacun d'eux. Peut-être que certaines collaborations auraient mérité d'être poussées plus loin qu'un morceau unique, de manière à faire germer plus qu'une agréable curiosité.
Si l'ensemble est amusant et que les morceaux s'écoutent sans déplaisir, ce nouvel album de ME AND THAT MAN commence à donner l'impression d'une corde trop tirée et ce malgré ses intentions louables et ses qualités musicales. Le hasard du calendrier fait que l'album sort presque en même temps que le dernier film de Wes Anderson, et un parallèle inattendu peut se faire entre les deux : regarder plein de gens cools s'amuser entre eux, ça ne veut pas forcément dire qu'on est nous aussi invités à la fête et les gimmicks finissent par s'user dans leur répétition. Grâce au talent des artistes impliqués, ce New Man, New Songs, Same Shit, Vol 2 peut néanmoins s'apprécier comme un paquet de bonbons dans lequel on viendrait piocher une sucrerie à l'occasion, en attendant la prochaine livraison, l'idée étant finalement inépuisable du moment que l'on se prend au jeu.