Messa est un groupe fascinant à suivre et pas uniquement pour les mystères que dégagent son doom psychédélique et ésotérique. Les Italiens mettent un point d'honneur à ne pas se répéter, à donner à chaque album une nouvelle personnalité. Après le brouillard jazzy de Feast for Water, Messa traversait la Méditerranée et réchauffait Close d'un soleil inspiré par les cultures tunisienne et algérienne. Pour The Spin, les habitudes ont été chamboulées : chacun a enregistré dans son coin et les influences progressives 70's ont évolué : cette fois, le quatuor s'est penché vers les années 80 pour chercher des textures nouvelles pour eux. Après tout, Messa a passé le cap des dix ans d'existence, il est donc normal de changer de décennie !
Cette influences 80's se traduit par un choix de matériel et de mix : la voix de Sara mise plus en avant, les synthés utilisés, des effets de reverb, une autre façon d'envisager le mix... Bref, des informations techniques qui deviennent plus explicites dès Void Meridian et ses premiers instants au minimalisme électronique. L'écho sur le chant lui donne une touche spectrale qui semble venir d'un autre monde et quand les riffs de guitare commencent à donner au morceau sa tension, accompagnée par une basse nerveuse, on est immédiatement frappés par les fantômes gothic rock / cold wave qui rampent sous cette entrée en matière. Pourtant, cela reste aussi absolument fidèle à Messa : une atmosphère épaisse, un solo, des changements de rythme, un peu de heavy, un peu de blues... At Races enfonce le clou, le morceau est porté aussi bien par cette rythmique post-punk que par la performance de Sara Bianchin qui pousse son chant toujours plus loin. Le groupe confirme d'ailleurs que les Sisters of Mercy, Killing Joke ou Boy Harsher (pour choisir une référence plus récente) ont infusé dans leur bouillon. Le cocktail marche étonnamment bien, apportant à la musique de Messa un supplément de froideur inhabituelle mais aussi une fébrilité, une angoisse nouvelle.
Messa n'a perdu ni son inspiration, ni son efficacité : malgré son penchant pour les longs morceaux atmosphériques aux structures alambiquées, on n'en oublie pas le groove. Fire on the Roof et ses gros riffs bien épais, le crescendo de The Dress qui explose en une cacophonie à la limite du metal extrême après un numéro de trompette halluciné, l'agressivité de Reveal... The Spin ne manque pas de mordant ni d'aspérités et assume quelques fulgurances flirtant avec le black metal. Le final de Thicker Blood en est le meilleur exemple : après un synthé menaçant qui pourrait être piqué à John Carpenter, on traverse des étendues mélancoliques contemplatives pour petit à petit être trimballé en pleine tempête rageuse... jusqu'à la conclusion en chant saturé aussi surprenant que poignant dans cette viscéralité écorchée qu'il véhicule.
Non seulement The Spin réussit de nouveau à renouveler la formule tout en restant fidèle à l'univers de Messa, sans jamais trahir cet équilibre entre lumière et obscurité (leur brume laisse tout de même régulièrement filtrer de réconfortant rayons de soleil), mais il corrige peut-être l'unique défaut de Close en évitant d'être trop uniforme. Grâce à cette nervosité amplifiée et un chant plus central qu'avant, Messa semble avoir opté pour une approche moins cérébrale et plus spontanée, sincère. Il y a plus de tripes dans leurs sortilèges et le résultat implique d'autant plus l'auditeur : c'est toujours d'une beauté hypnotique, mais c'est aussi plus touchant, plus hargneux, parfois plus désespéré. Quelle classe, et quel plaisir de les retrouver à chaque fois, constant dans leur qualité mais jamais au même endroit.