... Et dire qu'avec Transcendence, on pensait que MOAAN EXIS avait atteint dès son premier album l'apogée de sa puissance avec sa techno industrielle tribale hypnotique, rendue mystique par un usage malin de nappes atmosphériques. Comment Mathieu Caudron pouvait faire plus fort quand, déjà, on le croyait au sommet de l'intensité ? Comment se renouveler et évoluer dans une musique qui, par essence, est répétitive ? La réponse est simple : Postmodern Therapy.
Contrairement à son illustre prédécesseur qui s'ouvrait sur la batterie seule de Xavier Guionie pour nous mettre d'emblée dans le jus, ce deuxième album prend le temps de planter un décor ambiant et sinistre pendant presque deux minutes et demi. Puis la machine s'emballe, agressive et nous plonge dans un cauchemar industriel duquel émergent quelques paroles chuchotées. MOAAN EXIS, jusque là purement instrumental, n'est plus muet. Les chuchotements se muent en cris, une mélodie entêtante se met en place et contrebalance une rythmique écrasante : Witness est incroyable. C'est sauvage, psychotrope et, à sa manière, sublime : toute la musique de MOAAN EXIS semble synthétisée dans ce premier titre, des beats furieux aux ambiances cinématographiques, avec en plus cette voix utilisée comme une nappe supplémentaire.
Postmodern Therapy n'a cependant pas peur de revenir à des choses plus frontales, du gros son qui fait transpirer, et ce dès Imminent. Ambiance cyberpunk, paroles agressives scandées, c'est carré, ça tape fort, on achète. Urgence, adrénaline : Overwatching Chaos ressemble à une crise de panique dirigée par le chant angoissé de Caitlin Stokes (CORLYX) et s'emballe jusqu'à un final dantesque. Tout au long de l'album, les cris distordus de Mathieu Caudron installent un climat de danger malsain, une violence, une viscéralité et une rage nouvelle à la musique de MOAAN EXIS qui pourtant n'en manquait pas. Ainsi, le morceau titre, Street Rage et Believe ont quelque chose de féroce, sale et apocalyptique inédit. Il ne reste finalement que deux morceaux sans paroles, l'autoritaire et monolithique Momentum, monumentale, et le final mélancolique Insight dont les nappes finales permettent de redescendre sur Terre après l'assaut de basses auquel on vient de survivre.
C'est un peu fébrile qu'on arrive à la fin de Postmodern Therapy, tremblant sous l'effet de la transe et des énormes parpaings qu'on s'est mangé pendant l'écoute. Les enceintes grésillent, les murs se sont fissurés. MOAAN EXIS réussit à non seulement reproduire un choc comparable à son premier album mais surtout à emmener plus loin encore sa musique, l'étoffer et l'enrichir de détails. C'est féroce, sauvage, violent et magnifique mais aussi, parfois, étonnamment introspectif. Si Transcendence était une tuerie, Postmodern Therapy est, lui, un très grand album.