Chronique | Montana Rose - Childlike

Franck irle 19 décembre 2024

Écrire une chronique sur une artiste dont l'existence est empaquetée en quelques chansons, et dont les titres constituaient jusqu'ici un EP hypothétique, relève du mystère le plus intrigant. A l'écoute des quatre compositions de Montana Rose accessibles sur Bandcamp, on comprend l'intention de son auteure : la musique comme thérapie. Depuis Christchurch, au sud de la Nouvelle Zélande (une petite ville entourée de collines vertes et de montagnes) nous parvient une musique hors du temps, comme échappée d'un rêve.

Reprenons les choses depuis le début, avec la parution de Candy le 3 Mars 2024. Le support de la voix est une guitare frêle, dont les accords sont égrenés par Ethan McIntyre, probablement un proche de Montana Rose. La composition est de facture folk, enregistrée sur le vif, l'affect est déjà très présent. Aux douleurs du cœur et de l'âme, les mots cicatrisent les blessures, mais ce n'est pas suffisant. Ces quelques confiseries ont la saveur du spleen, souvenirs d'enfance, visions fugitives dans laquelle on aime se blottir. 

C'est à travers le piano que Montana Rose exprime tout ce qu'elle ressent et transmet de la manière la plus touchante qui soit, sa perception du monde. A la manière d'une Lingua Ignota ou de Emily Jane White, jamais la solitude n'a été si belle, dans Heaven Weeps, ses arpèges cristallines, glacées et flamboyantes, nous font part de la tristesse des cieux à l'égard de ce bas monde.

Le principe fonctionnel de l'art constitue l'ambition personnelle dont les notions peuvent ostensiblement n'être applaudies que par une petite foule, cette discrétion n'en est pas moins assumée, de son prénom Montana, le lien universel établi avec la nature, transmis depuis le germe jusqu'à l'éclosion, incarne cette matière organique. C'est avec I Know You're not Doing Well que la confidence prend tout son sens, le texte vient relayer l'image qui se dévoile progressivement, les paroles ne sont pas uniquement une mise en garde, mais une préconisation, une introspection. C'est ce magnétisme froid et lumineux, cette aura nimbée d'une lumière infime qui déploie ses facettes comme les vitraux d'un édifice sacré. C'est une transition de l'enfance vers une prise de conscience aigüe. Le monde est contenu dans chaque syllabe, les mots se réconcilient d’eux-mêmes, propulsés par la fulgurance poétique de Childlike, une prosodie innée, héritée d'une conscience qui n'est plus une succession d'évènements linéaires mais un flux continu de fièvres, de visions. Une vocation dont la douceur ne néglige pas l'intensité. Dans ce processus constitutif, l'affirmation n'est jamais centrale mais plutôt une interrogation constante, dans Small tout se concentre en un point central, d'une chambre aux échos extérieurs, l'onde se propage, les parties de piano répétitives s'embellissent à mesure que la voix de Montana se pare d'une réverbération totalement maitrisée. Je vous exhorte à écouter avec attention cette musique intuitive capable de déclencher toutes sortes d'images. On y revient comme un plaisir qui doit se prolonger, le temps d'absorber chaque mesure, il est indéniable que Montana Rose dispose d'une personnalité musicale et d'un talent incontestable, loin du formalisme ambiant.