MOONSPELL a beau avoir mis en avant le temps qui passe en présentant Hermitage (le groupe a 30 ans), appuyant sur le fait que ça passe à une vitesse ma bonne dame et que tout ça, ça nous rajeunit pas, nul n'oserait pour autant douter de la vigueur des Portugais. Aussi bien sur scène qu'en studio, la bande de Fernando Ribeiro continue de faire preuve d'une vitalité rafraîchissante, se réinventant à chaque album (souvenez-vous, les levées de bouclier à la sortie de The Butterfly Effect). MOONSPELL continue d'évoluer, de muter, de se chercher, mais surtout de se trouver avec succès et si l'épique fresque 1755 renouait avec une forme de classicisme après le rock gothique d'Extinct, Hermitage arrive avec son lot de surprises.
Le groupe portugais continue de se jouer des étiquettes, empruntant bien sûr toujours au metal extrême mais tout en puisant toujours plus du côté du progressif, du rock psychédélique. L'intro de Common Prayers avec ses nappes spatiales et sa guitare discrète ou All or Nothing par exemple, plantent rapidement le décor. L'accent est mis sur les mélodies, le chant de Ribeiro s'éclaircit, la guitare est parfois sèche et les ambiances souvent feutrées (Entitlement), le tout est d'une élégance et d'une maîtrise qui force le respect. Ici ou là, un piano nous fait voyager d'un paysage fantasmagorique à un autre jusqu'à occuper tout l'espace sur la mélancolique conclusion City Quitter.
Le groupe s'amuse à nous balader dans ces plaisants tableaux très 70's mais, lui, ne se perd jamais. Il n'y a pas un moment dans Hermitage où l'on ne reconnaît pas MOONSPELL, où cette orientation musicale semble forcée. Les riffs catchy de quelques hits conquérants (The Greater Good, Common Prayers, The Hermit Saints et ses chœurs) et quelques rugissements de Ribeiro en grande forme et toujours aussi théâtral (l'intense morceau-titre, Apophtegmata) sont là pour nous le rappeler, et l'ensemble tient de manière organique, sans faiblir ni ennuyer. La petite bande sait ménager ses effets et se réserver : quand ils appuient sur l'accélérateur, l'effet n'en est que plus puissant.
MOONSPELL n'a plus besoin de montrer les muscles pour convaincre et, en pleine confiance, savoure la liberté qu'apporte l'age et l'expérience. Hermitage est un album mélancolique, apaisé, presque introspectif. C'est surtout un travail abouti et sincère d'un groupe qui se fait plaisir et s'affranchit à la fois des étiquettes qu'on lui colle mais aussi des attentes pour nous surprendre encore et nous convaincre, toujours. Sans forcer le trait, MOONSPELL trouve un équilibre subtil et parfait entre noirceur et lumière, douceur et rugosité. On ralentit un peu (c'est un truc de vieux), on se fiche de ce que diront les autres (c'est aussi un truc de vieux), on apprécie le temps qui passe tout en disant que quand même, y'a plus d'saisons et le monde va mal (c'est toujours un truc de vieux) et on assume sans faux-semblant (truc de vieux, bis) : Hermitage est un très bel album, pertinent de bout en bout, et un sommet dans la carrière de MOONSPELL.