Chronique | Motionless in White - Scoring the End of the World

Pierre Sopor 25 juin 2022

Motionless in White a dix-huit ans ! Fondé en 2004, le groupe de metalcore originaire de Pennsylvanie a atteint la majorité, il serait peut-être temps de les traiter avec respect, de les appeler "messieurs", ce genre de choses. Il est vrai que nous n'avons pas toujours été tendres avec la bande de Chris "Motionless" Cerulli et ses copains mais que voulez-vous : ces petits gars ont bien grandi, nous aussi, et avec l'age vient la démence sagesse. On regarde à gauche, on regarde à droite : personne ne nous regarder, on peut donc se plonger sans danger dans le nouvel album du groupe de metalcore aux influences gothiques et industrielles.

Une fois que l'on accepte les codes du groupe, ses refrains en voix claire prévisibles, ses breakdowns codifiés et l'aspect référentiel très marqué (de Linkin Park à Marilyn Manson en embrassant toute la scène electro-nu-metal de la fin des 90's / début 2000), on peut alors se laisser aller à la tempête Meltdown qui n'ouvre pas franchement l'album en nous prenant dans le sens du poil avec son chanteur qui nous dégueule ses tripes à la gueule d'emblée. Scoring the End of the World : le titre de l'album est d'actualité et Motionless in White embrasse pleinement l'ambiance apocalyptique. Nous sommes condamnés. C'est drôle, ça, tiens : en anglais, on dirait "we're doomed"... et Doom est justement ce que l'on a à l'esprit dès un premier titre archi efficace et viscéral. On sent que le groupe a aimé les guitares furieuses et les mélodies stridentes intenses de Mick Gordon, qui se retrouve d'ailleurs en guest sur le morceau-titre.

Les morceaux s'enchaînent et tous sont des hits potentiels, durée ramassée entre trois et quatre minutes et refrains fédérateurs. Motionless in White n'a jamais aussi bien maîtrisé son sujet puisque cette fois, plus que de la crispation, on se laisse prendre au jeu grâce à des lignes de chant qui font mouche (Porcelain et Masterpiece, inévitable "instants émotions" véhiculent une puissance indéniable). Surtout, alors que l'on a souvent eu l'impression que ce cirque se prenait bien trop au sérieux, Werewolf vient nous faire mentir avec ses beats retro décalés, son ambiance spooky réjouissante et son refrain de boys band goth irrésistible (un "Thriller metalcore", imaginez le tableau), le genre de morceau que chaque adulte qui se respecte détesterait dès la première écoute... et finirait par en faire son favori, celui qu'on refait en slip devant son miroir, loin des regards. L'album multiplie les punchlines et les idées amusantes, à la frontière du ringard agaçant et du jouissif, postures de sales gosses délectables bien emballées par des synthés plus mis en avant que d'habitude, des riffs méchants et une performance vocale habitée.

La morale de cette histoire, c'est que les adultes respectables, on les emmerde. On aurait pu continuer à bouder dans notre coin, à trouver que Motionless in White c'est formaté, ridicule. Qu'est-ce que cela nous aurait apporté ? Rien. Alors écoutons ce qu'ils ont à proposer : une énergie infectieuse, quelques hymnes entêtants (We Become the Night, Red, White & Bloom avec Caleb Schomo de Beartooth), des touches futuristes indus bienvenues (Cyberhex, avec ses comptines sinistres qui lui servent de couplet et l'ex-Cradle of Fith Lindsay Schoolcraft)... Tout cela est généreusement emballé et bien que l'on ait toujours l'impression d'être face à un pot-pourri de choses que l'on a déjà entendues ailleurs, c'est fait avec un,enthousiasme touchant et une efficacité rare. Un grand cirque apocalyptique pour sauter dans tous les sens et être un peu triste dans sa chambre ("mes parents ils sont trop relous, j'la range si j'veux"), voilà ce qu'est Scoring the End of the World. C'est aussi le meilleur album de Motionless in White, qui trouve là un peu plus de cohérence et de nuances que d'habitude, ce qui est tout à leur honneur. Voilà qui est prometteur. Moquez-vous, nous on s'en fout, on a monté le son pour ne plus vous entendre.