Chronique | Noire Antidote - aversion cluster

Pierre Sopor 13 mars 2024

Depuis la sortie de son second album en 2018, Negative Etiquette (chronique), Noire Antidote semble se chercher : side-projects, remixes et singles se succèdent. On peut facilement y voir l'illustration d'une envie d'essayer des choses et d'éviter toute stagnation. Avec aversion cluster, l'artiste compte sur plusieurs invités pour nous proposer une nouvelle variation de sa musique électronique sinistre.

Fidèle à une tendance que l'on avait pressentie déjà dans ses derniers travaux (notamment l'EP cryptomnesia paru l'an dernier, chronique), Noire Antidote affirme avec le morceau-titre son approche plus rythmique. Si les mélodies lugubres qui s'impriment durablement dans nos tympans apportent toujours une dose de mystère, elles ne sont plus aussi primordiales. Noire Antidote est plus agressif, plus oppressant, plus étouffant... et toujours plus industriel (écoutez donc ces percussions métalliques sur CL2ANCE).

Si l'on apprécie toujours le sentiment d'angoisse et les ténèbres qu'imposent des basses saturées au-delà du raisonnable et les spectres qui se lamentent dans les nappes plus mélancoliques, notre curiosité nous attire forcément vers les collaborations, avec en tête le souvenir ému du très bon titre réalisé avec Ecstasphere quelques années plus tôt. Moaan Exis, le duo sauvage de la techno industrielle intense et fiévreuse made in France apporte évidemment son impact et sa touche tribale, mais psychoterratic ne délaisse pas les ambiances fantomatiques, rappelant que Mathieu Caudron est aussi habile avec les expériences atmosphériques que les assauts frénétiques. Entendre Noire Antidote sortir de ses zones de confort torturées est plaisant, même si cult opaque avec Hxyashi reste dans les terrains hantés de la witch-house avec ses synthés haut perchés. Il faut dire qu'entre dysphonia avec Mathilde Nobel et ses airs hallucinés ou l'apport de Moris Blak sur true misanthropic outlines, qui opte pour un crescendo vers la techno cyberpunk énervée, ou même avec CL2ANCE, sans invité mais aussi déroutante avec cette domination d'une rythmique paniquée et des percussions plus que jamais mise en avant, Noire Antidote brouille nos repères.

Si l'on peut toujours regretter que la poésie macabre et la touche mystique qui se dégageait des anciens travaux soit moins présente, on ne peut que se réjouir de voir l'artiste continuer à évoluer. Sa musique est plus violente mais tous les ingrédients des cauchemars passés sont bien là : dissonances inquiétantes, nappes écrasantes, rythmes asphyxiants qui s'emballent. La musique de Noire Antidote se prête tout particulièrement aux collaborations : il suffit de quelques notes pour reconnaître l'univers de l'artiste et donner à un morceau une tonalité bien particulière, lugubre à souhait. On espère donc à l'avenir le voir continuer à contaminer et posséder d'autres univers avec son talent.