I Know Where the Wolf Sleeps est le premier album de NOIRE ANTIDOTE, projet basé aux Pays-Bas et né de l'esprit de Benjamin Schoones (du groupe dark electro BENJAMIN'S PLAGUE). Avec son artwork élégant et évocateur, le disque intrigue et s'ouvre sur la bien nommée Into Hypnosis. D'entrée, l'auditeur est confrontée à un vrombissement électronique, un bourdonnement inquiétant, comme une nuée d'insectes. La multitude, le grouillement qui met mal à l'aise, le Mal insaisissable, pluriel ("mon nom est Légion")... Ce n'est pas pour rien si L'Exorciste de Friedkin regorge de bourdonnements insectoïdes ! Les basses distordues et répétitives nous plongent dans cet univers, noir, désespéré, effrayant. Vos paupières sont lourdes, bienvenue dans le cauchemar de NOIRE ANTIDOTE.
Fire In Bohemian Grove met en place les éléments de cet univers : basses saturées et beats agressifs auxquels viennent se greffer des mélodies presque anachroniques, tantôt glaçantes, tantôt oniriques. Un mélange entre le terre à terre, le sombre, le sale d'un côté et l'illusion, le rêve et l'espoir de l'autre. D'ailleurs, on ne peut que saluer les titres des morceaux, délicieusement évocateurs, qui font frissonner et donnent corps à cet univers mystique et cauchemardesque (Enochian, Eight Legged Man, It Stands In The Backyard). Séduisante, la musique de NOIRE ANTIDOTE crée également le malaise, avec ses bourdonnements, ses sons étranges, ses notes cristallines passées à l'envers (Enochian), ses chuchotements menaçants (I Know Where The Wolf Sleeps). Contraste toujours avec Slow Macabre, où la rythmique martiale épouse à merveille la mélodie désespérée du synthé, le résultat donnant une impression d'une catastrophe inéluctable ou d'une menace insidieuse. La subtilité du mélange ne faiblit jamais, alors que les moments marquants et mémorables se succèdent : la plus atmosphérique Relieved Distressed laisse sa place à l'anxiogène The Comfort of Not Breathing où des beats très typés dark electro semblent chercher à écraser une mélodie au piano teintée de fantastique. Ambiance funèbre, encore et toujours, avec And The Rain Falls Straight Down au désespoir suintant avant que I Stands In The Backyard ne conclue l'album sur une note opaque, glauque, où les samples de conversation accentuent l'impression oppressante de danger imminent. En guide de bonus, di3s Ira3 renoue avec le mystique et l'occulte de Enochian (la langue des anges) avec des chants religieux intrigants, se répétant en boucle, comme torturés par les sonorités électroniques. Clairement, la réalité a de sérieux soucis et semble pleine de bugs, de glitches.
Il y a quelque chose qui nous attend dans un coin sombre, sous le lit, dans le placard. Et ce premier album de NOIRE ANTIDOTE lui est dédié. I Know Where The Wolf Sleeps est une petite perle de noirceur, un cauchemar auditif qui nous prend au piège et nous garde captif de la première à la dernière seconde.
Chronique | Noire Antidote - I Know Where The Wolf Sleeps
Pierre Sopor
22 décembre 2016