Non Serviam n'obéit pas. Le collectif anonyme ne fait rien "comme il faut", pour notre plus grand bonheur et surtout s'amuse à chambouler les codes et les genres, ne respectant aucune frontière dans aucun des side-projects les impliquant (des paysages noise ambient de Hiverlucide au rap / indus / black metal de Biollante en passant par la poésie trip-hop funèbre de Néant). Mais alors, quid de ce Labyrinthe ? Est-ce qu'à force de laisser libre cours à ses pulsions musicales à gauche et à droite, Non Serviam se recentrerait ? Est-ce qu'avec son rythme de production élevé, Non Serviam se diluerait ?
Tu parles. Labyrinthe arrive un an après Death Ataraxia, qui lui-même arrivait un an après We Are Nothing but Your Krill, et ce gros EP annonce un album plus conséquent qui sortira prochainement. Non Serviam s'approprie la figure mythologique du minotaure pour nous perdre dans les méandres de sa création monstrueuse, polycéphale, imprévisible comme jamais. Les musiques extrêmes retrouvent ici leur définition : aventureuses, inconfortables, affranchies. Non Serviam mélange le putride à l'élégance, le bruit assourdissant, la nuisance et la contemplation. La Morsure du Sel et sa diction menaçante, qui oscille entre une voix claire, borborygmes démoniaques et quelques mots scandés quelque part entre l'incantation et le rap de Biollante, pèse de toute sa rythmique funèbre et, déjà, nous plonge en plein chaos. Black metal, indus, noise : on ne sait pas trop, on s'en fout un peu, les étiquettes ne tiennent pas.
On ne traverse pas l’œuvre de Non Serviam pour en ressortir indemne. On y laisse quelques plumes, on y gagne quelques cicatrices. Les cris du morceau-titre semblent ne laisser aucune place à l'humain. Opaque, monumental, grandiloquent et un brin hermétique, ce labyrinthe-là n'accueille pas de visiteurs. L'hypnotique Putrescine de Vie et son chant grinçant suintant de noirceur nous laissent imaginer quelques obscurs rites apocalyptiques peuvent bien s'y dérouler dans les ombres de ses boucles bruitistes laissant à peine respirer une voix claire, lointaine et déjà spectrale qui ne nous perd que plus profondément dans ce labyrinthe. On savait d’ailleurs, à l'écoute de l'Apocalypse Individuelle, fausse accalmie qui sublime révolte et désespoir en un chant de défaite poignant, qu'on n'en ressortirait pas vraiment. C'est toujours aussi fou et intransigeant : grands savants fous des textures et des émotions, Non Serviam n'épargne rien, ne respecte rien et fait à nouveau preuve d'une générosité et d'une viscéralité saisissantes. Vivement l'album !