Auteur d'un premier EP intitulé Nacre en 2019, le duo Novembre sort enfin un premier album pour nous plonger dans son univers cauchemardesque. Inox, ce sont dix histoires racontées par L’Amiral (au chant, alias Olivier Lacroix) et Le Pendu (aux instruments, alias Jérôme Noël), dix contes horrifiques faits de meurtres, de violence, de noirceur. Des perles claires qui donnaient leur nom au premier EP, on est passé à un acier inoxydable.
Ce petit détail n'est pas anodin. Avec son premier album, Novembre trouve le bon ton, le bon son. Plus dur, plus froid, comme l'acier : les teintes sont ici hivernales mais on ne tremble pas qu'à cause des températures glaciales. Les paroles scandées sont sinistres, le ton menaçant. On apprécie le sens de la formule, la mise en valeur de la langue, du texte, cette plume entre poésie macabre et polar noir. Petit à petit, la guitare fait son apparition et alourdit l'ensemble. Les cordes ne sont pas là pour donner un rythme, ni nous assaillir de riffs, ni même encore imposer de mélodie. Tout est jeu de textures : ici elles épaississent, là elles posent un brouillard mystérieux, putride et, aidées par des nappes de synthé, créent le décor idéal pour mettre en valeur l'humeur funèbre et toute en tension de Novembre. Quand elles s'enflamment, elles apportent une intensité brûlante au spleen automnal et en décuple l'intensité, comme lors des dernières parties de Marchand de Fables ou 50 Nuances de Rouge, quand le texte rappé se mue en chant.
On pourrait s'amuser à énumérer quelques références inévitables, d'autres artistes réussissant ce mélange entre scansion, expériences noise, guitares et univers sombre. Du confidentiel Polichinel pour le côté trip-hop, le goût pour la noirceur extrême et cette maîtrise des mots, au célèbre Dälek pour la lourdeur : Novembre ne ressemble en fait vraiment à aucun d'eux. La force de la narration, ce ton macabre (la très belle Pendu, poétique et obsédante), insensible ou mélancolique, tantôt morsure tranchante (Jack Knight, Motel 6), tantôt hypnotique quand les influences trip-hop prennent le dessus (Kosminsky et son clavier spectral, Je, tu et son dépouillement simple qui fait froid dans le dos), mais aussi l’habileté du mariage des genres (rap, trip-hop, chanson, post-rock lourd...) : tout cela fait d'Inox une œuvre singulière, unique. L'écriture y est acérée et l'atmosphère cinématographique prenante.
Fantômes, tueurs en série, nuages noirs, jardiniers ou barbiers lugubres : dans Inox, la mort est partout. La poésie funèbre se suffirait à elle-même mais est sublimée par la lourdeur des guitares, maussades. Novembre a peaufiné sa musique et son propos. Le premier album du duo marque l'auditeur comme une giclée de sang sur la neige ou un cri dans la nuit. Pendu, vous arrive-t-il parfois de repenser au bon vieux temps ?