Bien que ce soit principalement l'Italie qui se soit appropriée la scène techno industrielle, la France regorge également de son côté de quelques labels ou artistes spécialisés dans le genre. Au sein cette niche assez sélective, essaye de se faire une place Demian Records qui a choisi NUIT NOIRE comme promoteur de son futur catalogue, avec une volonté incontestable de vouloir privilégier la qualité plutôt que la quantité. Sans information aucune, l'artiste laisse donc entièrement place à sa musique qui semble être avec Dystopian Society les fondements à la fois du musicien et du label… qui sont peut-être une seule et même personne. Alors, est-ce que le parpaing est solide ?
La première piste surprend, dans le bon sens du terme. Alors que l'on s'attend à de la techno industrielle au caisson très présent, Ancient Workship Rituals prend un chemin plus primitif avec une excellente utilisation des percussions, légèrement appuyées par des basses subtiles mais néanmoins présentes. C'est réfléchi, travaillé, homogène et fluide. L'ambiance archaïque est très bien retranscrite et suggère un aspect tribal dans un environnement cyberpunk. NUIT NOIRE nous prépare lentement mais sûrement, à l'aide d'une subtile montée crescendo, vers ce que l'on attend tous : de grosses basses. Encore faut-il pour cela être équipé comme il se doit !
Sortez vos barres à mines et tapez en rythme sur vos bidons, ou prenez vos tonfas et martelez-les contre vos boucliers. Choisissez votre camp, mais soyez avertis que ça va faire mal. Entre grosses percussions lourdes et drones menaçants, Police Brutality est implacable dans son exécution. Ici, pas de fioritures mais juste une rythmique sobre et puissante avec quelques effets analogiques éparses mais plus que suffisants. Et encore, on ne parle là que l'introduction ! Vient une trêve silencieuse de quelques secondes, avant que deux coups de semonce viennent nous prévenir d'un assaut imminent. La tension est palpable et les percussions n'attendent que le signal pour pouvoir déferler de toutes leurs basses. Au troisième tir, c'est la guerre. Les drones foncent sur le front et envahissent le subwoofer qui sature, puis arrive juste derrière la lourde charge des kicks qui matraquent les enceintes et pulvérisent tout ce qui se trouve sur leur passage. On en ressort épuisé, brutalisé, broyé mais satisfait.
Pas question de se reposer. Parce que NUIT NOIRE va encore plus loin dans la brutalité, d'ailleurs le caisson se fait la malle sous le son de la ligne de basse. Les percussions d'Awake My Judgement sont encore plus massives et profondes. La piste B1 se laisse désirer, le début est lent, nonchalant, alangui. Le camp qui s'est fait détruire par la charge précédente reprend son souffle et prépare sa riposte. D'un coup les bpm s'accélèrent et c'est tout le dancefloor qui se révolte. C'est la cohue sur le champ de bataille où des effets de soupape, d'éléments mécaniques et autres sonorités industrielles viennent s'incruster sans prévenir, d'abord en rythme, puis progressivement étoffés jusqu'à prendre le dessus en vous soufflant un subtil "dance". Distribuer des parpaings, oui mais en rythme s'il vous plaît !
L'album se clôture finalement sur Encoded DNA Synthesis qui reprend les même codes que le titre d'ouverture. Seulement, là où A1 s'alignait davantage sur une rythmique tribale qui accompagnait une discrète atmosphère futuriste, B2 embrasse pleinement cet aspect dystopique mais toujours dans la légèreté, à l'instar des éléments éthérés qui viennent accompagner la percussion. Dystopian Society se clôture donc en douceur, malgré le fait que ça matraque tout de même en arrière plan, sur cette dernière piste qui laisse un peu sur sa faim compte tenu du niveau des trois précédentes. Il faut bien trouver de quoi chipoter un peu devant un tel niveau de qualité…
Si Demian Records continue de produire des artistes de cette qualité, ce qui semble bien parti avec la sortie de la seconde production du label, à savoir She Saw the Future de ZNZ, il est fort probable que cet album voit également ses lignes sur le site. Pour en revenir à NUIT NOIRE, le disque plaira à coup sûr aux amateurs de techno old school : celle qui va droit au but avec un kick et une basse comme mélodie principale, sans effets multiples à ne plus savoir sur quelle note se concentrer. Il en ira de même aux aficionados du gros caisson, qui se réjouiront d'un rodéo sur leur subwoofer devenu incontrôlable face à ce matraquage de basses.