On ne vous cachera pas que l'étiquette "rock alternatif" a l'étrange pouvoir de provoquer chez nous, au mieux, la prudence. Se pencher sur cet énorme fourre-tout revient à prendre le risque de s'infliger un truc bien trop joyeux, une atrocité à la Franz Ferdinand ou Oasis. Les références du duo Ocre, originaire de Clermont-Ferrand, incitent cependant à l'optimisme : on y cite Sonic Youth ou du post-hardcore à la Cave In. Leur premier album, So Often Lifeblood Comes From Ashes, s'inscrit donc dans un héritage des bizarreries 90's que l'on parcourt avec plaisir.
Il ne leur faut en fait que quelques secondes pour saisir notre intérêt : Don't Worry, promesse à laquelle on ne croit qu'à moitié, nous séduit avec sa lourdeur mélancolique, ce chant abattu, ce parfum d'orages intérieurs. Ocre n'a pas besoin d'en faire des tonnes et nous accroche avec ses rengaines catchy auxquelles le duo insuffle une âme tourmentée, un spleen à la Alice in Chains, qui touche. Les riffs sont lourds, ça sent bon la bière renversée, le sol qui colle, le plafond bas, les fringues déchirées et les cheveux gras. Les titres sont courts et n'ont pas le temps de lasser, Ocre a l'intelligence de ne pas y étirer inutilement ses idées et privilégie simplicité et efficacité, que ce soit dans la démonstration d'énergie ou la mélancolie (l'enchaînement The Three Stages of Stress / So Long nous fait passer de l'excitation à la résignation, de l'hyperactivité à l'abandon en six minutes, chrono). Même quand Ocre semble plus solaire, plus optimiste, la voix du chanteur / guitariste Pierrick A. nous maintient la tête sous l'eau (In the Mirror). Tant mieux, on n'avait pas prévu de respirer.
Cette humeur maussade qui nous accompagne tout au long, dans les coups d'éclat bravaches comme les passages plus intimistes, continue d'ailleurs de nous hanter après la conclusion So Often et son intensité croissante, à la fois romantique et hantée. Avec son premier album, Ocre a sorti le doudou musical idéal, une couverture de triste douceur (mais qui parfois gratte fort !) dont on se recouvre avec plaisir, mélange réconfortant de mélancolie et de gros rock facile à aimer mais non dénué de personnalité.