Chronique | Of The Wand And The Moon - Behold the Trees

Pierre Sopor 20 septembre 2023

Allez savoir ce qui a bien pu se passer dans la tête de Kim Larsen : peut-être s'est-il dit que sa musique se rapprochait trop de Leonard Cohen et plus assez de Current93 sur son dernier album, Your Love Can't Hold This Wreath of Sorrow, à moins que ses nappes de synthés déjà bien présentés n'aient fini par prendre possession de son âme ? :Of the Wand and the Moon: est en tout cas de retour avec un curieux album, Behold the Trees, dont l'artwork est déjà un bon indicateur de son contenu.

Nous n'irons pas jusqu'à dire qu'on a connu l'artiste danois rieur, fun et détendu. Son mélange d'ambient et de neofolk imprégné de mythologie a toujours préféré une certaine austérité propre au genre, un minimalisme et une sobriété sévère qui n'empêchait pas quelques ornements ici ou là, sous la forme de cuivres ou d'instruments traditionnels pour le dépaysement. Behold the Trees assume pleinement les tendances les plus hypnotiques de :Of the Wand and the Moon:, les plus atmosphériques. Kim Larsen se lance dans une méditation poétique et remet la nature au centre de sa création alors que le sound-design rend presque palpable le souffle du vent. Pas la moindre trace de guitare ne vient troubler la transe, seule sa voix grave, profonde, jaillit avec une solennité nouvelle alors que Larsen laisse tomber le chant et ne s'adresse à nous qu'en spoken word. Contemplez les arbres, contemplez les feuilles, contemplez la pluie, contemplez les étoiles... vous avez saisi l'idée.

On interroge alors le découpage de Behold the Trees tant ses rares pistes semblent s'enchaîner avec cohérence, du moins dans sa première partie. Il y a là de quoi être déstabilisé : jamais l'artiste ne fait la moindre concession sur sa démarche rigoureuse. Cette nouvelle offrande de Behold the Trees a un curieux air de compilation d'interludes, vous savez, ces morceaux contemplatifs un peu chiants que l'on a tendance à ne jamais écouter sur un album. Pourtant, l'effet produit fonctionne pour peu que l'on fasse l'effort de se laisser embarquer. Certes, ce n'est pas un disque que l'on écoutera en faisant le ménage ou son footing mais, dans la répétition implacable de ses invitations à la contemplation de la nature, Larsen réussit à transporter son auditeur dans un espace déconnecté, étrangement apaisé quand on connaît son travail.

Il y a cependant un moment où des ombres menaçantes viennent assombrir la méditation. When Nobody is Looking, dont le titre déjà vient casser les répétitions précédentes, prend une couleur plus angoissante avec ses chuchotements mystérieux et ses chœurs religieux lointain. On murmure dans la pénombre avec crainte et, surtout, on quitte la nature pour se recentrer sur l'humain et ses peurs. On a eu peur mais non : Kim Larsen n'est pas encore un gourou qui va vous aider à réconcilier votre Ki ou ce genre de choses. Behold the Trees n'en est pas moins une curieuse pièce, presque une sorte de side-project. Son écoute est exigeante et demande une certaine patience, un certain état d'esprit. Sans aucun doute, ce ne sera pas l'album le plus écouté de sa discographie et on admet modestement espérer que ses futurs concerts iront tout de même piocher dans son ancien répertoire. La proposition n'en est pas moins intrigante mais aussi bel et bien cohérente avec la démarche de l'artiste, dont l'intégrité ne saurait être remise en question, qui a juste poussé au maximum certains aspects de sa musique pour aller chercher le mystique dans le dépouillement, laissant derrière lui l'étiquette neofolk le temps d'une quarantaine de minutes.